Chaque année pendant le week-end de l’Ascension, la ville de Lyon enlève le baobab qu’elle a dans le derche et s’ouvre aux musiques électroniques. Sur la brèche, Gonzaï voulait couvrir la douzième édition des Nuits sonores, rencontrer les artistes les plus intéressants et vous dévoiler le futur de la musique électronique en général, et du genre humain en particulier.

NS12_city_60x80Ce qui est bien quand on bosse pour un canard prescripteur comme Gonzaï, c’est qu’on n’a plus aucune démarche à faire pour rencontrer des personnalités influentes et participer à des événements majeurs : les attachés de presse viennent directement à vous et tortillent du cul pour vous inciter à écrire sur les sujets qu’ils défendent. Tout le monde est content pour le coup : les artistes font parler d’eux, les attachés de presse justifient leurs honoraires et les journalistes ont ainsi de la matière sur laquelle réfléchir et écrire. Le revers de la médaille, c’est qu’on s’habitue à la gratuité des drogues, des chambres de palace et des rapports bucco-génitaux.

C’est peu dire qu’on était au taquet : treillis blanc, tiags basses et GHB glissés dans le sac, la Gonzaï team allait se mêler aux branchés et pondre des comptes-rendus et interviews aux petits oignons. L’objectif affiché était de rencontrer Laurent Garnier, Marcel Dettmann, Moritz von Oswald, Nina Kraviz, Robert Hood, Trentemøller, Nicolas Jaar, Rodhad, Actress, Agoria, Andy Votel, Daniel Miller, François K, Gold Panda, Manoo et la Colonie de Vacances. On nous avait parlé d’un groupe allemand au nom imprononçable, Kraft-quelque-chose, mais on n’avait pas donné suite. Les musiciens de seconde-zone, merci bien : notre temps est précieux et on ne peut pas faire plaisir à tout le monde.

Après des mois de préparation, l’organisation du festival nous faisait une blague rigolote à trois jours de l’événement : « Pour toutes les demandes d’interviews, je veux bien que vous essayiez de caler ça vous même, et vous me tenez au courant ». On allait se marrer franchement, les mecs avaient l’air porté sur la déconne ! Encore plus drôle : ils avaient omis de nous transmettre le planning des entretiens avec la vingtaine d’artistes qu’on souhaitait rencontrer pendant les quatre jours.
C’est une fois sur place qu’on a commencé à flipper parce que les organisateurs ne semblaient pas vouloir arrêter la blague. On leur a dit qu’il y avait un temps pour tout, que les blagues les plus courtes sont les meilleures, qu’on avait des familles à nourrir et qu’on voulait communiquer sur le festival et les artistes présents, mais rien n’y a fait. A court d’arguments, il fallait se débrouiller seul.

Alors, j’ai retroussé mes manches et je suis allé capter Marcel Dettmann à 2h20, soit dix minutes avant son set du mercredi 28 mai. Dettmann, c’est un Berlinois de 37 ans qui est probablement le DJ le plus connu du label Ostgut Ton, avec son pote Ben Klock. L’équipe du label est la même que celle qui a monté le Berghain et le Panorama Bar, les deux meilleurs clubs de Berlin où l’on peut baiser et se droguer sans que personne n’y trouve à redire. La tolérance qui règne en ces lieux est frappante et a grandement contribué à leur succès international. Marcel Dettmann est un habitué des Nuits Sonores et ses sets écrasent souvent ceux de la concurrence. Son physique impressionnant le fait ressemble au dieu Thor devant ses platines. Il joue une musique épurée et funky, qui ferait même remuer son derche à Robert Wyatt. Imparable.

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Bon Marcel, je te pose cinq questions, pas forcément intéressantes, on a trois minutes chrono, c’est parti ! Si tu ne devais garder qu’un seul morceau pour foutre le feu à ton dancefloor, lequel serait-il ?

Et bien probablement un morceau de mon pote Shed, il est aussi chez Ostgut Ton. Ses morceaux sont canons et je serais bien incapable d’en citer un plutôt qu’un autre.

Quelle est ta drogue préférée ?

La musique.

Réponse décevante. La dernière fois que tu as mixé ivre caisse, c’était quand ?

Et bien tout dépend de ce que tu entends par « ivre caisse », je biberonne toujours quand je fais un set. J’aime bien le champagne, ou la vodka allongée avec de l’eau pétillante. Je fais en sorte de ne jamais perdre totalement le contrôle de ce que je fais.

Quel est ton plaisir coupable, musicalement parlant ?

Je dois dire que j’adore l’italo-disco.

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Quand as-tu profité de ta position de DJ pour mettre au fond avec une nana ?

Il y a sept ou huit ans ! Je suis marié à présent mais j’aime avoir de belles personnes autour de moi…

Quel est ton disque de rock préféré ?

Il y a un groupe de rock dont j’adore les albums, c’est Chrome, un groupe californien indus et post-punk des Seventies.

Allez, merci Marcel et bon set !

207 secondes d’interview pour quatre jours de festival : voilà où nous en sommes. Un peu moins de 52 secondes quotidiennes. Allions-nous continuer à prendre de notre temps pour essayer de rencontrer du monde alors que les organisateurs de l’événement n’en avaient rien à foutre ? Non, pas question. Notre temps est précieux disais-je…

Que dire ? Que je remercie Alexandre d’Uncivil Production d’avoir fait son possible pour me faire rencontrer Moritz von Oswald, moitié du génial duo Maurizio, lors d’une soirée jeudi 29 mai dans l’ancien Garage Citroën. Peine perdue, la légende berlinoise a décliné la proposition d’interview. Voilà ce que Didier Lestrade nous disait de lui en fin d’année dernière : « Trois ans après tout le monde, je suis allé acheter les disques de Maurizio : je n’y comprenais rien car il n’y avait pas de pochette. J’y ai vu une généalogie : celle d’Art Of Noise et Kraftwerk, qui se cachent derrière la musique. Très fort. Avec Rythm & Sound, les mecs de Maurizio parviennent à mélanger la techno – si pointue et élitiste et le reggae, musique la plus universelle. Qui aurait pu imaginer ce mélange un jour ? C’est indémodable, c’est calé, c’est intelligent : parfait. Et bien quand j’ai découvert ces disques, je me suis dit que tout ce qui pourrait suivre n’en serait qu’une duplication, rien ne pourrait égaler ça un jour. »
[www.basicchannel.com linktext:Moritz von Oswald]
Moritz von Oswald est malade et diminué. C’est un peu triste de voir cet homme appareillé derrière les platines. S’il a pris du plaisir à mixer, il n’en est pas de même pour le Belge Peter Van Hoesen qui s’est fait littéralement sortir de la scène deux heures avant par une foule haineuse : insultes, invectives, jets de bouteilles et de pièces de monnaies. Lamentable et consternant. Les tonalités ambient de sa prestation n’ont pas été du goût de personnes probablement incultes et droguées. Le message posté par Van Hoesen sur Facebook le lendemain qui relate les faits et exprime son dégoût avait été partagé 235 fois dans les 24 heures qui ont suivi. La pseudo-unicité du mouvement techno est un leurre et le festival se serait bien passé d’une telle publicité.

Il était difficile de continuer à jouer le jeu en étant pleinement acteur du festival, l’idée que la techno puisse véhiculer des valeurs positives est une chimère à grande échelle. Le comportement de certains individus a gâché la fête et trace les limites de ce type d’événement drainant des milliers de personnes. Dur de prendre du plaisir quand la promiscuité est si forte, que les gens vous bousculent au lieu de vous contourner, que l’odorat est gêné par les effluves corporelles de certains, qu’on ne trouve pas d’endroit pour s’asseoir et qu’il est fatigant de passer six heures debout pendant plusieurs nuits d’affilée. Une scénographie et un confort limités complètent le tableau.

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Il serait mesquin de blâmer l’organisation des Nuits Sonores, la rançon de la gloire étant l’augmentation de la jauge.

Mon désintérêt relatif pour le festival est très probablement lié aux relations difficiles avec l’organisation. Les photos de Laurent Garnier que vous pouvez admirer sur cette page ont été très difficiles à faire : une fois que les cinq minutes qui nous avaient été accordées se sont écoulées, nous nous sommes fait copieusement engueuler parce que nous n’avions pas respectés des consignes fictives dont nous n’avions pas connaissance préalablement. J’aimerais dire à la bande de nazes qui nous a mis des bâtons dans les roues que nous vallons bien plus que ça. On écrit pour Gonzaï pour cultiver une singularité qui se fait rare dans les autres médias, et parce qu’on peut y développer les projets qui nous tiennent à cœur. Les clichés de Marcel Dettmann ont été plus faciles à prendre : les vigiles qui surveillaient la scène n’ont eu aucune difficulté à nous laisser monter sur celle-ci. Me reste pourtant quelques beaux souvenirs du festival : Laurent Garnier, lui encore, à la Sucrière en 2005, Carl Craig à l’Ambassade en 2010, Ben Klock et Marcel Dettmann à l’Hôtel Dieu en 2012… On vieillit et on a déjà pris contact avec les organisateurs du Festival Country de Craponne, fin juillet : un square-dance, une tisane au GHB et au dodo. Et quelques beaux articles si on peut.

http://www.nuits-sonores.com/
Photos : Romain Claron

LG NS 2014 N°1

49 commentaires

  1. et musicalement, tu n’as pas trouvé ça génial ? pour ma part, garnier mcde + moritz + i/y c’était très bien non ? les pigistes de mag ne croient-ils pas qu’ils ont tous les droits aussi ? je pense que c’est ça le problème… il ne faut pas se vexer, c’est normal que tu ne sois pas considéré comme un journaliste de Resident Advisor ou bien Radio France ou France 2.

  2. Par article « profondément sans intérêt » (je note l’oxymore au passage) je suppose que vous entendez « encore un papier négatif qui n’apporte rien ». Ce que je réponds, c’est que toute l’année nous couvrons d’autres festivals où nous disons des choses formidables (= positives) mais que tout le monde s’en fout (0 commentaires, 0 partages). Ceci n’est pas une fatalité, simplement la polémique et le négatif, sur Internet et quel que soit le bienfondé des papiers en questions, prend souvent le pas sur le reste. Je vous laisse vérifier par vous même :
    http://gonzai.com/category/report/festival-report/

  3. On s’en branle de l’orthographe et de Bescherelles ta mère et ta mémé, c’est que pour les français ignares qui parlent 3 mots d’anglais.
    Merci Albert (Londres)

  4. Puis en plus les nuits sonores à part les siestes musicales sur le toit du musée du vieux lyon, ben c’est l’ennui. Remarque c’est bien vue, c’est pour ceux qui s’ennuient 🙂 EUREKA

  5. Pas d’endroit où s’asseoir ? Mec pour avoir loupé les dizaines de places libres qu’il y avait tout le temps dehors sur les gradins je te donne un conseil : CHANGE DE DEALER !

  6. Eh ben on va pas se faire des copains du côté de Lyon… Mais ce papier est courageux, honnête, drôle et, une fois encore, bien écrit. Les Nuits Sonores restent un grand festival, ils ont la progra la plus intéressante sur le créneau électronique en France, une proposition qui se rapproche de plus en plus du Sonar ou du Primavera de Barcelone. La balle est dans leur camp pour 2015 : qu’ils donnent à Gonzaï le crédit qui s’impose, et nous leur rendrons logiquement au centuple.

  7. Les contradicteurs qui s’expriment ici ont-ils lu mon article ? J’en doute. Je suis allé aux Nuits Sonores enthousiaste, pour écrire sur un événement que j’apprécie et des musiques qui me touchent. J’ai été déçu par la manière dont s’est passé le festival et le désintérêt des organisateurs. J’ai essayé d’exprimer mon avis avec nuance, à la différence de vos avis lapidaires et définitifs. On n’est pas sur Twitter ici : les publications de plus de 140 caractères ont leur place.
    Merci aux autres pour leurs messages sympas.

  8. Les contradicteurs qui s’expriment ici ont-ils lu mon article ? J’en doute. Je suis allé aux Nuits Sonores enthousiaste, pour écrire sur un événement que j’apprécie et des musiques qui me touchent. J’ai été déçu par la manière dont s’est passé le festival et le désintérêt des organisateurs. J’ai essayé d’exprimer mon avis avec nuance, à la différence de vos avis lapidaires et définitifs. On n’est pas sur Twitter ici : les publications de plus de 140 caractères ont leur place.
    Merci aux autres pour leurs commentaires enthousiastes !
    Romain FLON

  9. Cette article!!! UN TORCHON !!! 0 infos !!! Journaliste de bureau et reporter de terrain c est pas la même chose et serte tu n avais ni l un ni l autre mais être aussi content de travailler chez gonzai c est ton stage fin troisième ou ça se passe comment ??

    1. Toi t’as l’air de t’y connaître en journalisme! Et pourtant t’écris comme une merde… La vanne est chouette sur le stage de fin de troisième. J’ose même pas imaginer comment tu devais écrire à cet âge là. Au fait, « journaliste de bureau » et « reporter de terrain » c’est la même chose… Il n’y a pas de Journalistes qui ne vont pas sur le terrain, même si c’est pour couvrir le mimosa géant de la Croix-Rousse.

      Bravo à cet article et à Gonzaï d’écrire des articles ou il y a 0 infos, mais ou on se fend la gueule !

  10. Cette article!!! UN TORCHON !!! 0 infos !!! Journaliste de bureau et reporter de terrain c est pas la même chose et serte tu n avais ni l un ni l autre mais être aussi content de travailler chez gonzai c est ton stage fin troisième ou ça se passe comment ??

  11. Très bon article qui relate une véritable vérité sur l’organisation du festival. Les nuits sonores sont le seul festival où on demande aux webzines (même les plus petits) de payer 200€ pour obtenir un pass alors que d’autres comme Rock en Seine, les Eurock, bref ceux qu’on voit à la téloche, demandent juste quelques infos sommaires et donnent le graal. En tant que spectateur assidu des Nuits mais néanmoins rédacteur pour un blog je suis très déçu de cette communication douteuse des Nuits auprès de leur plus belle presse, les amoureux de musique.

  12. Sur l’histoire de Peter Van Hoesen, c’est tellement facile de céder à ce discours simpliste en insultant un public considéré comme des moutons drogués.
    A quel moment on remet en cause la programmation et l’organisation de l’event ?
    Quand tu fais une aussi grosse soirée avec des entrées à seulement 3€, tu réfléchis ton line up aussi en fonction du public que tu vas attirer. Et tu ne fais pas jouer un duo de techno expérimentale à 3h après des sets hyper dancefloor (ou alors tu assumes la prise de risque et le fait de mécontenter un public).

  13. Wooow… « la ville de Lyon enlève le baobab qu’elle a dans le derche et s’ouvre aux musiques électroniques. » Rien que ça ça laisse le ton sur l’aigreur de l’auteur. Oui les NS c’est plus comme avant, et encore durant la première édition tu devais avoir quoi? 10ans? Que les orga ne respectent pas les photographes/journalistes c’est pas une nouveauté, et c’est pas une exclu NS, mais c’est à force de laisser des accred à des branleurs qu’au final on vous prends pour ce que vous êtes. J’ai quand même lu ce ramassis de merde jusqu’au bout, le point culminant étant quand tu applaudies les photos de l’article, cool de sucer ton pote pour ses photos mal cadrées, surex, floues… Les mecs changez rien. Par contre je te rejoins sur Peter Van Hoesen, il n’avait pas à se faire traiter de la sorte, mais il faut aussi avouer que la time table était merdique, et qu’on s’est bien fait chier durant son live de 25min. J’dois être inculte surement. Bisous.

  14. J’ai beaucoup aimé cet article sur We Love green. Bravo à l’auteur. Ca fait du bien de lire du « vrai » (même si un peu dur parfois) plutôt que des propos parfois un peu ternes voire lénifiants qu’on lit ici où là. Et puis cet article paraît après le festival NS, donc n’atteindra en rien sa notoriété. Dire ce qu’on pense, ce qu’on voit, ce qu’on vit, n’est ce pas la seule chose qu’on demande à un rédacteur/journaliste/webzinard (appelez-le comme vous voulez)? J’ai bien ri, et rien que pour cela je dis bravo. J’irai aux NS l’année prochaine pour me faire ma propre opinion. Et j’aurai certainement un avis contradictoire. Mais on s’en fout. Bisettes. ps : ne nous énervons pas, messieurs, dames, ceci n’est pas un sujet sérieux contrairement à la fusion envisagée de la région Bretagne et du pays basque.

  15. Bon en même temps Garnier tu l’as interviewé y a juste quelques semaines, et des interviewes de Nicolas Jaar on en trouve a peu près 20 000 sur le web.
    Vous couvrez le festival Weather sinon à Gonzaï ? ça sent le grand n’importe quoi à côté duquel les NS sembleront paradisiaques

  16. CE JOURNALISTE EST TELLEMENT PRESCRIPTEUR QU’IL FAIT UNE INTERVIEW DE DETTMANN EN 2014 !!!!!
    quelle prétention … c’est triste !

  17. Article prétentieux… T’as pas l’impression de te la raconter un peu mon bonhomme ? …Si t as que 1 minute d’interview et tu ne trouves pas meilleurs questions ça suffit largement en même temps.

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