Un jour, je suis tombé sur une très belle maxime de l’écrivain Miguel de Cervantès qui nous disait : « Garde toujours dans ta main, la main de l’enfant que tu as été ». Cette phrase ne m’a, depuis, plus jamais quitté. Vieillir, c’est aussi rencontrer son passé, de façon toujours plus régulière, lente, mais sans menace, car la vie nous déjà “briefé”. Mais nous tentons, irrémédiablement, de repousser les avances que nous font la mélancolie d’un passé souriant. C’est peine perdue. Et c’est aussi sûrement le cas pour Olivier Bonnard, qui sort un très joli livre chez Actes Sud, « Collector ».

Ce roman de 315 pages nous narre l’histoire de Thomas Strange, un trentenaire parisien, journaliste culturel de profession. “Tom” est un brin désabusé par l’époque dans laquelle il vit, qui le dépasse. Alors, il va se réfugier dans sa passion : les jouets. Oui, mais pas n’importe lesquels. Des jouets qui sont un pont délicieux entre le temps présent et son enfance perdue. Un pont coloré, jouissif, paradisiaque. Sous les yeux de sa compagne, une infirmière nommée Pénélope, il va acquérir sur Internet des jouets tous aussi rares les uns que les autres. Tom en possède deux d’exception : un « Gladiateur » et un « Samouraï ». Mais il lui manque un troisième : le « Viking ». Ce jouet forme une trinité dans laquelle il pourra enfin retourner dans sa patrie préférée : celle de ses souvenirs. Ce qui va immanquablement l’entraîner dans une série d’aventures rocambolesques, l’entraînant en Italie, provoquant une rupture amoureuse qui va le poursuivre, l’installant dans une passion dévorante pour une femme plus âgée que lui (à l’histoire très complexe)…

« Collector » est un conte pour rêveurs aimant cultiver un brin de nostalgie d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent connaître. Notre enfance, c’est une bulle sereine dans laquelle nous aimons à nous installer pour fuir nos sociétés consuméristes et cultivant désespérément le culte de la rapidité. Comme Thomas Strange (du nom de ces fameux comics Marvel dont j’aimais tant la lecture), l’auteur de ces lignes se rêvait en superhéros, dans un costume qui volerait au dessus des toits d’immeubles, et plus haut encore dans le ciel, dans un mélange habile de Spiderman et de Surfeur d’argent. Comme Thomas Strange (et comme Olivier Bonnard, j’en suis certain), le moindre parfum peut raviver des souvenirs précis de nos tendres enfances, de la lavande aux philtres marquants que mettaient nos maîtresses d’écoles, aux recettes culinaires devant les programmes du dimanche sur France 3. Le héros du livre et l’auteur de ces lignes ont à peine une génération de différence, mais le message global reste le même : le passé est un village tranquille dans lequel nous pouvons visiter chaque lieu avec délectation.

Avec ce livre, la littérature a enfin rencontré un cousin éloigné de Marcel Proust, en plus chauve certes, mais avec les mêmes madeleines savoureuses.

Collector // Olivier Bonnard, Actes Sud, paru en librairie le 1er juin 2016, 21,80€

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages