S’il fallait assigner une forme à la carrière de Gonzales, ce serait celle du cube de Necker, cet objet impossible aux poutres solides et inconciliables. Sur des accords tchaikovskiens (Solo Piano I et II), Gonzo débite des punchlines (The Untertainist) ; entertainer auto-saboté et génie auto-proclamé, il collabore avec Daft Punk ou Drake, arrange Peaches ou Katerine, s’invente scénariste (Ivory Tower) et va jusqu’à tenir le premier rôle d’une obscure web-série (Super Producer). Jusqu’ici, l’hétéroclisme du génie suant se drapait toutefois d’une unité de ton : Gonzo, c’était l’arrogance libérale, l’impudence individualiste, la « Supervillain Music ». Puis arriva « Re-Introduction études ».

artworks-000075544267-s0jzke-originalPréparer une rencontre est toujours une opération délicate : il faut anticiper les réponses de l’interviewé sans l’amener à produire des réponses attendues, prévoir les nervures du dialogue sans en figer la courbe. Pour capter l’esprit Gonzales plutôt que sa fiche wikipédia, j’avais donc décidé d’écouter son dernier album à paroles jusqu’à la nausée. Le rap symphonique de « The Unspeakable Chilly Gonzales » avait infusé dans mes tympans un mois durant, au point qu’il m’arrivait d’en fredonner les plus belles punchlines à voix haute, au risque d’effrayer les oiseaux en leur assenant « I’m way beyond snob / I’m a Louis Vuitton slob / You want the truth? / No prob, I see the face of God in a blow job »[1]. Après 76 écoutes de l’opus, Gonzo était devenu, dans mon imaginaire, ce trader de la musique qui mange dans la gamelle de Diogène et suce l’humour pour hypocondriaques de Larry David.
Et c’est naturellement sur ce ton que j’avais gribouillé mes quelques questions, le jour de notre entretien. Celles-ci n’allaient pourtant m’être d’aucune utilité. A l’hôtel où nous avions rendez-vous, Gonzo n’était pas là. Ni entertainer, ni super-producer. Le potentat de la pop m’avait faussé rendez-vous. A la place, Chilly, pianiste au sourire fêlé, patientait sur un sofa. Et sa douceur a aussitôt désarmé mes (coups de) points d’interrogations. Discussion à voix basse, donc, et sans filet, à propos de la rédemption d’un Serber mélomane.

Je voulais commencer par t’interroger sur ta transpiration abondante, mais il ne fait pas très chaud aujourd’hui, et tu es très frais, je me sens un peu bloquée…

Chily Gonzalez : Ouais, en plus je transpire surtout quand je suis en « mode de travail », quand je suis sous pression, j’ai la sueur psychologique. Et là, il n’y a pas tellement de pression, c’est plutôt quand je fais de la télé que ça se complique. Quand il faut penser à la caméra et penser à ses doigts et penser… Quand on combine un jeu de piano très intensif avec de la pression, on atteint cet endroit magique de la transpiration, on entre dans le registre de Jacques Brel.

Tu as des stratégies anti-sueurs ? Des chemises spéciales ?

Non, pas trop… Je m’en sers, de la sueur. En concert, il y a des gens qui n’y croient pas, tu vois. Si je fais comme ça (il balance sa tête en arrière), on voit comme une goutte de sueur de 30cm de diamètre qui saute en l’air. J’ai longtemps joué avec ça, dans «Take me to Broadway » par exemple, je relève la tête et on voit un déluge arriver sur le public. Déjà aux spectacles d’école, quand j’étais enfant, c’était très marqué.

Dans ta dernière interview pour Gonzaï, tu regrettais qu’en Europe, il n’y ait pas trop de « Hustler », d’auto-entrepreneurs qui, comme toi, bricolent leurs propres moyens de production artistique. Ça s’est arrangé, depuis ?

Non mais j’en connais tout de même, j’ai exagéré pour l’effet, mais j’en connais… Il y a toujours des Hustler, partout. Heureusement. Tekki Latex par exemple à commencé son label Sound Pellegrino il y a longtemps et comme c’est quelqu’un qui vient du milieu du rap, il a naturellement appliqué ce work-ethic, ce côté auto-entrepreneur quand il montait son label. Moi j’ai commencé mon propre label en 2010, avec l’album « Ivory Tower » et depuis j’ai tout sorti moi-même. Même pour le livre qui sort (« Re-Introduction Etudes », un opus pédagogique composé d’un disque et d’un livre, ndlr) on le publie nous même, on est vraiment indépendants. Mais je suis pas du tout le premier à faire ça. Tiga il a commencé Turbo en 2002 je crois, Boyz Noize Records pareil… J’ai vu ça, et je me suis dit : je vais le faire pour ma musique à moi. Donc je grossissais le trait dans l’interview, en disant « il n’y a pas de Hustler », mais quand même, je crois qu’il y a une énorme tendance en France à la bureaucratie. De la faute du gouvernement, qui n’encourage pas l’auto-entreprenariat.

« J’ai toujours été un sous-chien »

Quand j’ai commencé mon propre label en 2009, c’était facile en Angleterre, facile au Canada. Et en France, on avait l’impression d’être un peu « puni » d’avoir cette idée de vouloir créer quelque chose par nous-même. Comme si le gouvernement te disait « Ok, you think you’re better than us, that you can start something that’s gonna last ? Haha » alors que dans les autres pays c’est plutôt « Hey, good for you ». Je relie ça au problème des intermittents du spectacle : c’est très énervant de voir ce qui se passe en France, de voir qu’il y a des gens qui sont soit disant des gens créatifs, qui ont donné leur vie à leur art, et qui disent pourtant « bah en fait c’est mieux si je travaille moins en ce moment pour que je puisse cotiser, je sais pas quoi, pour que je puisse prendre des vacances payées ». Et que cette idée du confort freine leur production, leur art, oui c’est choquant pour nous, on ne comprend vraiment pas. Mais je suis canadien, alors c’est une autre culture… Je ne condamne pas, hein, mais j’ai le droit d’être choqué. Moi j’ai grandi avec des gens qui disaient « Ok, on va faire notre art, notre truc, quoi que ça soit, avec le gouvernement ou sans lui, on va le faire sur nos horaires. Et si le projet à besoin de plus de travail, alors on prendra sur nos heures. ». Mais souvent en France – je vais essayer de modérer mes mots, mais quand même – souvent en France, on trouve le cliché de l’intermittent du spectacle qui « compte ses heures ». Et je trouve ça triste. Triste pour une culture qui est tellement au niveau, artistiquement, mais qui, dans la gestion, dans ce qui est de prendre des risques pour s’investir dans un projet, est pétrie de contradictions.

Et du coup, dans ce livre d’apprentissage que tu sors, dans ces études, est-ce que tu as essayé de faire passer cette mentalité d’auto-entrepreneur qui se bat, cette attitude de winner ?

Bah pas de winner, en fait. Hustler, c’est celui qui n’arrête pas de lutter, c’est le contraire. Moi j’ai toujours été un sous-chien.

Pardon ?

Ah, ça se dit pas en français. Un « underdog », un inqualifiable. Parce que c’est pas clair ce que je fais : je chante pas, d’abord, donc je suis obligé de convaincre les gens à coup de « je sais que je ne chante pas, mais laisse moi quand même faire ce que je veux, tu vas voir que... ». Et puis les gens qui viennent du classique ou du jazz ne me supportent pas parce que j’ai trop un personnage « larger than life » qu’ils critiquent, et plein de mes idées sont démodées et j’ai des gouts très cheesy et donc c’est pas gagné du tout…

« Philippe Katerine serait plus heureux si Louxor n’avait pas cartonné. »

Disons la mentalité du « go for it » américain, alors, celle du « do it yourself, but do it », « baisse pas les bras ». On retrouve ça dans le livre qui accompagne tes études ?

C’est pas le but premier. Le livre est d’abord fait pour les gens qui veulent s’amuser en déchiffrant la musique. Après, s’ils veulent composer ou avoir des relations plus profondes et personnelles avec la musique, je crois que le livre peut les aider aussi. A y croire, à avancer franchement, par eux-même.

Ce sont des aides sur le technique mais pas sur la rhétorique, pas sur l’attitude, donc ?

Ouais, quand je parle de l’utilisation de tierces, ou certaines suites d’accord, certaines manières d’utiliser la main gauche, j’essaye d’en parler de sorte à ce que chacun puisse se dire « ah ok, c’est ça l’arpège, cette fois j’ai vraiment compris ce que ça voulait dire, arpège » et la prochaine fois qu’ils s’assoient au piano, ils trouvent leurs arpèges par eux-même, les morceaux deviennent transparents. Parce que oui, les outils de base, en musique, ils existent depuis 500 ans, alors peu-importe que tu cherches un beat sur Ableton Live avec ton laptop ou que tu cherches à faire du heavy métal avec ton violon. A un moment, l’arpège, par exemple, va te servir. Tout le monde utilise un arpège. Daft Punk, Glenn Miller, tout le monde. C’est dans la musique africaine, américaine, européenne, partout. C’est physiologique, l’arpège. Et tous ces outils que j’ai mis dans le livre sont des classiques qui existent dans toutes les cultures. Je voudrais faire comprendre qu’il y a très peu d’outils musicaux, finalement, mais qu’en les combinant, les résultats peuvent être infinis. Comment peut-on produire autant de musique avec 12 notes ? C’est qu’il y a tellement de technique pour masquer le fait qu’il n’y a que 12 notes. Les musiciens sont malins, it seems like there’s a million note.

Il y a quelques années, tu disais que ta musique était une « surprise party où tous tes ennemis sont conviés » ; maintenant, elle devient une sorte de « cours collectif dans un salon de thé »… Qu’est-ce qui a provoqué ce changement ? Pourquoi le méchant Gonzo devient gentil ?

Disons que ma relation avec la musique, quand j’étais enfant, était très tendre. Avec le piano, j’ai découvert « mon » truc, un refuge, un truc très positif dans ma vie…

T’es autodidacte, c’est bien ça ?

Plus ou moins. Un grand père qui m’a montré le piano, après j’ai appris la musique pop de mon côté, puis il y a eu les techniques de mon frère plus âgé, de plusieurs professeurs… Mais mine de rien, je jouais toujours pour moi. Après, j’ai joué 10-12 ans avec un groupe, sur un label canadien majeur, où je chantais des trucs plus ou moins traditionnels, et ça ne s’est pas très bien passé…

C’était quoi, ce groupe ?

« Son ». Mais on ne peut rien trouver sur internet. Heureusement. Et donc après la tendresse de l’enfance, après l’expérience compliqué de l’adolescence, j’ai beaucoup pensé à ce que c’était la performance, l’image du musicien, je me disais : « qu’est-ce que c’est, une carrière ? » Et alors la musique, ce n’était que 15 ou 20% de ce que je faisais. Je voulais, si tu veux, « set up a career properly », je voulais comprendre ce qu’il fallait dire ou faire pour fidéliser un public, etc. Mais ces deux dernières années, j’ai arrêté tout ça. Je suis beaucoup plus centrer sur ma musique, je fais beaucoup moins de collaboration, j’en fais seulement quand je peux vraiment apporter quelque chose. Je laisse les gens faire ce qu’ils veulent avec mon piano. Ma collaboration avec Drake, par exemple, je me suis contenté de lui envoyer tous les deux mois 4 ou 5 idées au piano, à distance. Et un jour, six mois plus tard, j’avais un email de Drake Industries annonçant qu’un morceau avait été pris, et voilà. Ca n’a pas été compliqué, je lui faisais confiance, je savais qu’il savait exactement ce qu’il faisait – that’s why he’s fucking Drake – et si je pouvais servir, c’était tant mieux, mais je ne me disais pas « il faut que je sois avec lui, il faut que ça marche ». Daft Punk c’est pareil, notre collaboration a duré 4 ou 5h, à Los Angeles, parce que j’étais dans le coin, je suis passé au studio rapidement, et ça a été spontané. En fait, je suis arrivé à un stade, dans ma carrière, où j’ai relativement satisfait mes attentes. Et c’est ça, pour te répondre, qui me rend plus « gentil », qui me fait retrouver la tendresse de mon enfance.

CHILLY-GONZALES-Re-Introduction-Etudes

Qui te rend plus bienveillant avec les autres, aussi ?

Ouais, parce que quand on est pas satisfait, d’une certaine manière, on a plus besoin de s’attaquer aux autres. Ma motivation, maintenant, est centrée sur ma musique.

Ces études, ce n’est donc pas une retraite monacale pour mieux exploser au sortir de l’abbaye ? Tu ne cherches plus le tube ?

Bah ça j’ai arrêté depuis longtemps. Depuis « Soft Power » en 2008, en fait. Je me connaissais pas assez bien à cette époque. Je n’avais pas accepté le fait que je suis un musicien très aimé… mais marginal.

« On n’aurait pas des rappeurs comme Kanye West sans Franz Liszt. »

Et maintenant, ta marginalité est acquise ?

Complètement. Et je préfère ça. Je vois la carrière des autres gens qui doivent naviguer comme ça entre leur image, leur public, des trucs… Pour certains musiciens, c’est une malédiction. Moi je suis convaincu que Philippe Katerine serait plus heureux si Louxor n’avait pas cartonné. Je spécule là, et no matter what, c’est pour moi un génie absolu avec qui j’ai d’ailleurs travaillé sur ce titre en particulier, mais je sais qu’il ne cherchait pas le tube. Il le cherchait pas, mais ça lui est malheureusement arrivé. Et moi, au contraire, à un moment j’ai cherché la célébrité, le tube, mais ça, c’est idiot, on peut pas « vouloir le tube », c’est mauvais. Ce qui m’a sauvé de ça, c’est mon concert de 27h, au Ciné 13. C’était un truc positif, qui m’a aidé à recaler ce qui s’était passé avec « Soft Power », cet album traumatisant, qui ne me ressemblait pas. Je m’étais laissé emballé avec mon égo dans des histoires pas authentiques, et je l’ai payé cher. Voilà.

Finalement, la chanson Shut up and play le piano sur ton album « Supervillain Music » annonçait la couleur en 2011 (« My inner Eric Satie’s buried so deep inside / I still can’t decide where I reside (…) One of these days, one of these days / One of these days I will shut up and play the piano », ndlr)

Ouais, c’est ça, il fallait arrêter de chercher le tube, et une fois que j’ai arrêté de chercher le tube, pleins de bonnes choses sont arrivées pour moi.

https://www.youtube.com/watch?v=5lUCYNtAb_I

Tu prends les risques dans la musique même, maintenant, et moins dans l’image, c’est ça ?

Mmmh, ça dépend ce qu’on entend par risques. Parce que quelque part, renoncer à ce truc de la provocation, à mon personnage « larger than life » rappeur et cynique et drôle, c’est un gros risque aussi. Parce que les gens vont se dire « ah ok, il est devenu gentil, donc je ne suis plus intéressé ». J’ai pas intérêt à être trop sage non plus. Heureusement en concert, y’a toujours des moments Andy Kauffmanesques qui me sauvent – mais que je ne planifie pas. Il se passe toujours des choses fortes sur scène, en fait que je me censure pas trop quand je parle. Je fais monter un étudiant, par exemple, sur les planches, et là ça peut se passer d’une certaine manière…

Sexuelle ?

Haha, non mais c’est vrai que je pense beaucoup plus à la musique, à la construction purement musicale. Peut-être que je reviendrai à l’image plus tard. C’est aussi lié au fait que j’habite à Cologne, maintenant, et qu’il y a beaucoup moins de distraction dans cette ville. C’est calme, il n’y a pas de concerts tous les soirs, pas de potes qui passent à Paris, etc. Comme je suis plus focus, j’ai été très productif ces 8-10 derniers mois. J’ai appris à écrire pour d’autres instruments, j’ai composé pour des quatuors, etc. Les études qui sortent, là, ça représente une partie de ça. C’est le projet le moins cynique que j’ai fait de ma vie. Je veux juste redonner ce que moi j’ai découvert quand j’étais enfant, ce « refuge émotionnel et social ». Le piano, ça m’a sauvé la vie dans pleins de sens, donc j’essaye un peu de rendre ça. Avant je pouvais pas du tout assumer l’idée d’être généreux au premier degré, j’aurais jamais pu faire ça. Mais pour ce projet, oui, j’arrive à le faire.

Il n’y aura plus de records comme ton concert de 27h de 2009, alors ? C’était la première et la dernière fois que tu entrais dans le Guinness de Records ?

Ah non non non non non, c’est fini. A cette époque-là, c’est que j’étais traumatisé par « Soft Power », par le fait que je m’étais éloigné de moi-même, que j’avais ressenti ça dans les yeux de mon public et dans mes propres yeux, et que c’était très blessant pour moi. Mais c’était ma faute. Et donc ce concert de 27h c’était pour faire, disons, reset.

Pour échapper à ton propre cliché ?

Je voulais dire : « on est plus dans le pop star là, on est dans l’intensité ». Quelque part je me disais pardon d’avoir fait ce que j’avais fait, je voulais revenir à quelque chose d’héroïque, mais basé sur qui j’étais vraiment. C’était l’inverse de « Soft Power », où je voulais devenir célèbre en France en chantant en anglais… Quelque part, je me suis raconté des histoires. J’avais besoin d’un antidote à ça. L’antidote c’était ce truc unique, ce moment partagé, éphémère. L’inverse d’un disque. Il fallait exorciser des choses, et je les ai exorcisées grâce à ça. Maintenant, c’est bon.

« Je ne confonds plus les fautes de goûts des autres avec mon manque de succès. »

Ton record t’a servi de psychanalyse, en quelques sortes ?

Oui, y’a pleins de méthodes pour apprendre plus sur soi, pour s’accepter : psychanalyse, prise de conscience personnelle… En tous les cas, c’est positif, ce revirement. La plupart des artistes que j’admire ont connu ça aussi.

Tu penses à qui ?

Aux rappeurs, par exemple, qui peuvent être particulièrement irrités par les gens qui font semblant – les fainéants qui ne sont pas bienvenus dans le rap – mais qui acceptent, par contre, que des mecs qui ont des histoires disons « pas typiques » changent de trajectoire, assument ce qu’ils ont fait et passent à autre chose. Tu assumes, et après y’a pas de problème. Le problème, c’est de faire semblant d’être quelque chose que t’es pas. Et moi je l’ai expérimenté. « Solo Piano », c’était un vrai truc, intime, et ça a touché beaucoup de gens, alors que « Soft Power », on a tout de suite su que c’était pas moi, et on l’a pas accepté. J’ai eu la preuve que tricher, ça ne marchait pas. Les gens sont intelligents, ils sentent tout de suite que tu fais n’importe quoi. C’est la même chose pour les pop-star qu’on aime pas, mieux vaut qu’elles soient elle-mêmes, c’est moins gênant que celles qui font semblant.

Chilly ne méprise plus rien alors ? Fini les punchlines provoc’, fini le sous-chien à crocs ?

Non, quand même, j’ai toujours beaucoup de chagrin a écouter des choses que je n’aime pas. Ca peut me rendre oui, disons « offensif ». Mais je ne crois plus que mon propre succès est l’antidote à ce problème. Je présente mon exemple dans mon coin, et les gens peuvent comprendre qui est mon ennemi sans que j’ai besoin de le dire explicitement comme avant. Par exemple ce que je faisais en interview, en disant « Mathieu Chedid is my ennemi », etc. ; j’avais besoin de ces avatars, de ce mépris pour me définir « en contraste » avec ça. Mais maintenant, je peux écouter M, je peux dire qu’en effet son style, ses arrangements vont contre mon goût, mais je n’ai pas besoin de l’attaquer ou quoi. Je ne confonds plus les fautes de goûts des autres et mon manque de succès à moi. Même si j’imagine que c’était nécessaire à un moment…

Est-ce que ça veut dire que tu as fait le deuil du désir d’être Jésus ?

J’ai jamais voulu être Jésus, haha. I’m not a Jesus’s style. Moi j’aime la vie des compositeurs du classique, Beethoven, Liszt, Chopin… Les premiers qui ont vraiment défini ce que c’est d’être musicien, en quelques sortes. On aurait pas des rappeurs comme Kanye West sans Franz Liszt, qui a été le premier à dire que le musicien mérite d’être au même niveau que les rois, et même de les dépasser. Avant le musicien ne pouvait même pas imaginer avoir un rôle plus élevé que celui d’un serveur : il pouvait connaitre le confort, mais l’idée que son statut puisse être disons « sans limite », ça n’entrait même pas dans sa tête… Jusqu’à Beethoven peut-être. Après, la musique s’est élevée, et c’est un « bénissement ».

Pour finir alors, ça serait quoi, le dernier miracle musical auquel tu as assisté ?

(Long silence) Je vois beaucoup de musique classique à Cologne, chez moi et parfois c’est très très bien mais je prends plutôt mes claques en trouvant des enregistrements classiques qui datent de l’âge d’or du disque classique, dans les années 60, 70. Dans ces années, tu peux trouver un enregistrement définitif quasi parfait. Et c’est en trouvant ça que je prends mes claques, parce que je consomme la musique tout en retrouvant cette qualité de son exceptionnelle : il y a le son ET la musique. C’est rare. Par exemple le Requiem de Fauré que j’ai découvert récemment, c’était… Une fois que je trouve un truc comme ça, je peux passer beaucoup de temps à déchiffrer ce que j’aime, à retrouver la partition, à comprendre le miracle. C’est ça pour moi, le vrai miracle, quand tu parviens à rentrer dans un morceau très intense et que tu comprends pourquoi, techniquement, le niveau est « so much emotional ». C’est un peu à ça que mes études pourraient servir.

Chilly Gonzalez // Re-Introduction Etudes // Gentle Threat (Editions Bourges)
http://chillygonzales.spinshop.com/details/224584

[1] Extrait de « Self Portait » : http://rapgenius.com/Chilly-gonzales-self-portrait-lyrics

5 commentaires

  1. « Je ne condamne pas, hein, mais j’ai le droit d’être choqué. » T’as aussi le droit de fermer ta gueule Gonzales pour éviter de dire des conneries.
    Ce qu’oublie notre ami Gonzales c’est qu’il aura sans doute à son prochain spectacle des » inter » pour l’éclairé et le sonorisé c’est à dire qu’il n’y a pas que des artisssss qui sont intermittents il y aussi des techniciens qualifiés.
    Quand à Danny W qui a pour la première fois entendu le mot « intermittent » il y a 3 mois. j’aimerai qu’il développe son point de vue, histoire de rire.

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