Au placard les gentils détectives à la Hercule Poirot, et bienvenue au petit nouveau des romans noirs, « Le cimetière du diable », soit les nouvelles aventures du… Bourbon Kid !!! Doux comme Animal Mother et aussi souriant que Dirty Harry, ce bad boy latino, amateur de bourbon, fera se pâmer les damoiselles et réjouira les mâles, les vrais, ceux qui aiment l’hémoglobine et qu’ont même pas mal quand ils se font tatouer « Maman » sur l’épaule.

–  Ouhaaaa le dernier Harry Potter est en salle, enfile ta capuche et tes lunettes 3D !!!
–  Ta gueule salope, j’suis en tête-à-tête avec le Bourbon Kid.

Kezako ? Le Kid est le fruit d’une soirée gang bang avec Tarantino, Clint Eastwood, Blade et Machete. De quoi renvoyer la Rowling et ses fans frénétiques dans leurs pénates. La trilogie du Bourbon Kid (Le livre sans nom, L’œil de la lune et Le cimetière du diable, le petit dernier paru en juin 2011) est un cocktail détonnant, mélange de western spaghetti et de musique pop, qui a fait une entrée fracassante sur la scène littéraire voilà un an. Autant dire que ça en envoie plein les mirettes. Une seule certitude : chaque instant, chaque fil de la trame, mène à l’hécatombe ultime, celle où le Bourbon Kid, un psychopathe alcoolique tout droit sorti des meilleurs Sergio Leone, dégainera pour headshooter tout ce qui bouge : hommes, femmes, enfants, vampires, vieillards ; annihilant chaque échelon social de la petite ville de Santa Mondega, de la star du rock à la petite frappe, en passant par tout le reste. Autant ne pas trop s’attacher aux personnages.

Bref, que les lecteurs ne s’attendent pas à du sentimentalisme neuneu pour ados, des romances platoniques, un langage épuré et des duels à la loyale. On assiste au contraire à des scènes épiques, du style Elvis (ouais les gars, je parle bien du King) qui se tape une partie de fesses avec une Janis Joplin atteinte du syndrome de la Tourette ; le décor romantique : un van lancé à tombeau ouvert dans un désert infesté de zombies, le tout avec Tom Jones en illustration sonore.

– « Mais quel est donc l’esprit assez dépravé pour avoir mis au monde toute cette chienlit » ?

Aucune idée, les tomes sont signés Anonymous (ce qui est très recherché quand on y pense). Un auteur semble-t-il britannique, à l’éthylotest au moins aussi vert que celui de son héros, et qui s’est fait connaître sur la toile. Cela a donné lieu aux spéculations les plus folles, Tarantino un temps perçu comme l’auteur présumé a même été écarté au profit du Prince Charles. Bref, le mystère demeure, et en même temps, on s’en tamponne un peu. Les deux premiers volumes (sortis en juin 2010 et janvier 2011) sont tout simplement jouissifs. Le style peu rôdé des premières pages laisse vite place à une écriture qui envoie en plein film de baston ; on en ressort avec un cocard et des dents cassées. L’humour quelque peu gras et l’esprit de doux bourrinisme qui animent l’œuvre ne plairont sans doute pas aux lecteurs assidus (remarquez que je ne suis pas tombé dans le cliché du sexisme primaire) de la collection Harlequin, mais pour le reste du monde, c’est du tout bon.

Malheureusement, c’est au troisième opus que le bât blesse. La trilogie écrite comme un scénario destiné au grand écran souffre de cette pathologie de la-suite-commerciale-qui-ne-vaudra-jamais-le-premier bien connue à Hollywood. Le style reste déjanté mais moins fluide que dans les premiers tomes, on ressent même quelques longueurs. En plus, fini Santa Mondega, on abandonne la bourgade corrompue et son saloon où l’on sert la pisse du patron lâche et adipeux, pour un remake endiablé à Las Vegas.

Soyons magnanimes, Le Cimetière du Diable reste tout de même un bon livre pour l’été, avec une intrigue policière mêlant James Brown, Judy Garland, Elvis Presley, et une armée de zombies affamés… Ainsi que le Bourbon Kid, évidemment. Rien que ça, ça donne envie. Et puis à la décharge d’Anonymous, le Kid aura dézingué tellement de personnages secondaires dans ses précédentes aventures qu’il est désormais obligé de tout reprendre à zéro.

–  « Alors, j’achète ou pas » ?

Les histoires des deux premiers livres sont liées et, franchement, ce sont les plus réussies. La sentence est donc sans appel : c’est un grand OUI ! Quant au dernier, offrez-le à mamie pour son anniversaire, une fois qu’elle aura bien pris son pied (parce que oui, le Bourbon Kid plaît aussi aux octogénaires… Quand je vous dis que c’est tous publics !) et ça vous fera de quoi passer le temps à la plage ou au boulot cet été (ainsi qu’un tendre souvenir de l’aïeule en cas de canicule). Sinon, reste la solution des flemmards, l’inévitable adaptation ciné (hooo oui, avec plein de 3D partout !), qui ne devrait pas trop tarder puisque les droits cinématographiques du premier livre ont été achetés par Don Murphy (aka le producteur de Tueurs nés, Bully et From Hell… un spécialiste de la dentelle). Concluons avec une envolée lyrique caractéristique d’Anonymous, en citant une expression récurrente dans ses trois œuvres : « BANG ! ».

Le livre sans nom, Anonymous, éd. Sonatine, 460 pages, 21 euros
L’œil de la lune
, Anonymous, éd. Sonatine, 450 pages, 22 euros
Le cimetière du Diable
, Anonymous, éd. Sonatine, 400 pages, 21 euros

2 commentaires

  1. Hâte de voir ce que peuvent donner ces abracadabrantesques (bang bangesques…) aventures sur grand écran, même si je serais forcement déçu.

    Le premier volume à été vécu comme une monumentale claque dans la gueule. D’abord intrigué par son packaging (beau pavé signé d’un anonyme, illustré par la gueule usée et fatiguée d’un cow-boy qu’on devine crasseux), on se laisse très vite porté par l’écriture aérienne et la structure originale.
    Construits sur le même procédé, les deux suivant peinent à nous tenir (autant) en haleine, sans jamais se départir de son humour cinglant et de son univers fantastique loufoque (toujours plus proche du fantastique d’un « Une Nuit En Enfer » que d’un Twilight… encore heureux).

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