J'ai entendu le nouveau Dylan. Je dis bien « entendu » parce qu'une écoute dans les locaux de Sony à Clichy avec les mondanités de rigueur et un son qui ne permet de distinguer

J’ai entendu le nouveau Dylan. Je dis bien « entendu » parce qu’une écoute dans les locaux de Sony à Clichy avec les mondanités de rigueur et un son qui ne permet de distinguer que des bribes de  phrases… Ca ne permet pas «une vision globale de l’œuvre en question». Alors vous allez me dire que c’est un album de plus qui ne fera bander que les critiques bedonnants en mal d’esprit, un truc qui finira par caler le reste de la pile… Faut voir.

Je ne sais pas pourquoi, mais même après un détour vers un swing à la grand papa sur le bien nommé Modern Times, l’album qui sonnait presque comme un Eddy Mitchell enregistré avec des cachetonneurs de Nashville, j’y crois encore. Un mec qui chantait avec une voix de canard étranglé dans les 80’s et qui a fini par pondre Time out of mind quelques années plus tard, ça peut encore faire des miracles. Et puis on parle de Dylan, merde. Plus de quatre cent cinquante titres gravés sur disques dont le quart mériterait d’être diffusé par mégaphone et sous la menace à des fans des Killers, de King of Leon ou des Blocs Ferdinand de tous poils.

Together Through Life. Alors que la convention de Genève stipule que c’est impossible sans Blood on the tracks, je vous mets tout de suite au parfum, vous pouvez survivre sans cet album. Cela étant dit, le truc agréable avec les vieux hiboux droits dans leurs bottes du genre de JJ Cale, Tom Waits, Neil Young ou Dylan, c’est qu’ils se foutent radicalement du qu’en-dira-t-on. Loin des turpitudes des stars d’un jour dont le deuxième album annonce une carrière aussi éphémère que le glissement d’un pet sur une toile cirée, ils creusent laborieusement leurs sillons de légende avec plus ou moins d’inspiration mais, et c’est fondamental, sans aucune putasserie.

Bon alors là, je suis en train de me saisir d’un mini croissant et d’un jus d’orange quand les hostilités commencent… eh merde! Heureusement pour moi, on me passe un papier sur lequel sont inscrit des comptes d’apothicaires (nombre d’albums vendus et de récompenses dont tout le monde se fout) et un argu’ sommaire sur l’album écrit dans un dialecte qui s’apparente à du français (encore un coup de Dylan pour brouiller les pistes??). J’y apprends qu’à la demande du réalisateur Olivier Dahan, dont l’ignoble Môme en carton pâte a aussi bluffé les US en mal de biopic lacrymal, Dylan a écrit la sublime ballade Life is hard.  Dans la foulée, je me demande combien d’artistes étrangers de qualité ont été influencés par notre Johnny national. On ne le prend pas souvent en compte, mais les kilomètres peuvent troubler le jugement des meilleurs d’entre nous. Imaginez un papou déjanté tombant sur un clip d’Amanda Lear…

Pour l’instant, le sphinx ricain à moustache me projette dans un juke joint à la frontière mexicaine où il patine son art à la sauce tex mex. Sûr que les p’tis gars des états du sud  verront tout ça d’un bon œil et que l’album grimpera dans des charts qui ne veulent désormais plus rien dire. Pas sûr qu’un gamin de seize ans rentrera en transe à l’écoute de l’accordéon omniprésent et parfois embarrassant de David Hidalgo des (argh!) Los Lobos. Mais Dylan n’a d’égal que son mystère, celui de chanter des instants déjà surannés qui font mouche dans une caboche emprunte à la visite fantasmagorique de la musique américaine.

Après tout ça, que dire de vraiment pertinent? Qu’il y a du blues en pilotage automatique qui fait que l’album n’arrive pas à la cheville de Desire. Que j’ai regardé le plafond en me disant qu’un exemplaire de Together Through Life valait mieux que quinze palettes du coffret intégral de Dire Straits. Que le mix met en avant la voix éraillée et cajoleuse de Dylan qui n’a pas perdu son humour (it’s all good). Que le croissant devait avoir été décongelé dans un four géant au petit matin. Qu’au final on se fout royalement de l’album sur le moment mais que le jour de la mort du «chanteur incarnant sa génération»  on pourra dire qu’il aura vraiment pondu une œuvre, une vraie.  Que Dylan c’est pas tout à fait Paris Match : le poids des mots certes mais aussi la classe en photo. Qu’il chante plus que jamais comme si ça vie en dépendait. Qu’il a l’air malheureux comme les pierres en chantant l’amour perdu. Que ce petit plouc du fin fond du Minnesota a tué le rock’n’roll originel, celui des frimeurs gominés qui jactaient sur les gamines, les surprise parties, les Cadillac et les jukebox, pour lui acheter un cerveau et parfois même une conscience. Que depuis il en paie le prix et erre comme un zombie, pas complètement parmi les hommes.

Pour ce qui est du reste, je vous invite à aller sur le site officiel bobdylan.com ou vous lirez une interview sans queue ni tête du bonhomme qui n’en dit pas plus et pas moins qu’à son habitude.

http://www.bobdylan.com/

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