Seul festival marseillais à défendre peu ou prou les mêmes esthétiques musicales que Gonzaï, mais avec moins de poil aux guiboles, le très alternatif B-Side a clôturé en début de mois sa huitième édition. On y était, on a tout vu (ou presque), on a tout bu (ou presque) et on a surtout pris quelques bonnes claques. B-Side, rewind.

C’est une légende urbaine qui n’est pas dénuée de fondements : à Marseille, il ne se passerait rien. Rien ou si peu, en tout cas pas grand chose sur le front de la (contre) culture qui est défendue dans ces colonnes. Puisqu’il n’y a pas de fumée sans feu, allongeons ces quelques explications parmi tant d’autres : la politique culturelle municipale est désastreuse, le clientélisme historiquement installé ne favorise pas l’apparition de dynamiques artistiques neuves, les transports publics sont totalement à la ramasse, les Marseillais sont plutôt de nature à aller boire des verres en terrasse plutôt qu’à aller s’enfermer dans des salles… Tout cela est avéré, et ne contribue pas à gommer les stéréotypes (du type sardines, pastis et chichon à l’apéro) que les médias se plaisent continuellement à affubler à cette ville.

Pourtant, en grattant un peu, on se rend très vite compte qu’il n’y a pas « une » Marseille (celle que l’on pointe du doigt) mais plutôt mille et une. Pour faire plus simple, on dira qu’il y en a deux : celle qui tente de changer son image, de gommer ses imperfections, celle qui se plus belle-la-vise, se gentrifie, capitalise sur son folklore, tapine le touriste échoué à la Joliette et attribue ses subventions aux gros poissons. Et puis, à quelques mètres seulement (mais tellement si loin), il y a celle qui tend la main sauf que personne ne la regarde, celle qui s’accroche, celle qui se mélange, celle qui fait avec parce qu’il y a quand même le soleil, celle qui se réjouit d’appartenir à un tout qui transcende l’ensemble de ses composantes. C’est évidemment la seule Marseille qui vaille, et c’est celle-ci que j’ai en commun avec l’équipe qui organise le festival B-Side. Problème : vu de l’extérieur, cette Marseille-là est invisible. Faisons en sorte qu’à la fin de ce papier, elle le soit déjà un peu moins.

Festival de filles et huile de coude

33407A l’origine de B-Side, il y a un manque : beaucoup se désespèrent de pouvoir écouter ici, à domicile, le gratin de la scène rock « indie » internationale. Les concerts se font rares, et aucune salle n’occupe précisément ce créneau à Marseille. L’association In The Garage a donc commencé par organiser quelques concerts en 2006, et dès l’année suivante, pu en réunir suffisamment sur une courte période pour donner naissance à ce festival. Première particularité : celui-ci n’est pas ancré dans un endroit précis, mais se tient dans différentes salles (essentiellement des petites jauges) en fonction de la couleur et du calibre des artistes invités. Manière de dire que : 1/ B-Side entend garder son indépendance et 2/ ses moyens limités devront s’adapter à une économie qui reste basée sur le nombre d’entrées.

Tout se fait ici à l’huile de coude, et les concerts sont généralement calés en fonction de tournées qui passent par les grands raouts européens du printemps (Primavera, Villette Sonique, Nuits Sonores…). Mais pas seulement. Car voici la deuxième particularité de B-Side : il a le nez creux. Si on fait le compte, depuis sa toute première édition, on a pu y écouter entre autres (et souvent avec un temps d’avance) Thee Oh Sees, Black Lips, Trans Am, Chk Chk Chk (!!!),Yacht, The Growlers, Mahjongg, The Oscillation, Zombie Zombie, Poni Hoax, NLF3, JC Satan, Marvin, Cheveu, The Feeling Of Love, La Secte du Futur… et tout cela à hauteur d’homme, dans des spots où la proximité scène/fosse permet aux groupes de se lâcher totalement. Un sacré catalogue qui ne trahit donc pas les velléités « garage » de l’asso, même si celle-ci a toujours eu des goûts suffisamment larges (et sûrs) pour aller fouiner du côté de la pop la plus progressiste. Par ailleurs, tous les artistes locaux qui comptent ont un jour joué ici : Dondolo, Danton Eeprom, Oh Tiger Mountain, Kid Francescoli, Johnny Hawaii… sans même parler de ces groupes obscurs qui hantent de près ou de loin la scène garage phocéenne (pas née de la dernière pluie). A partir de là, de deux choses l’une : ou Marseille est décidément trop underground pour intéresser les hautes instances parisiennes, ou ces filles ont trouvé un unique point d’équilibre entre démarche DIY et programmation béton. Ah, parce que j’avais oublié de vous dire : ce sont des filles qui organisent le festival. Et ça change tout.

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Quand les femmes s’en mêlent, ici c’est dans les coulisses que ça se passe. Et il faut croire que ça se passe plutôt bien, face à ces hordes de mâles qui versent généralement dans le bien burné, puisque ceux-ci reviennent parfois honorer l’événement de leur présence (qui avec la même formation, qui avec un « side-project » sorti des catacombes). B-Side repose sur une économie alternative, une logique de réseaux : les musiciens qui y sont invités sont donc priés de laisser aux vestiaires leurs exigences de potentielles rock-stars, ce qu’elles font bien volontiers tant l’énergie déployée par leurs hôtes est en tous points synchrone avec leur mode de vie. Autour de Céline et Séverine, figures historiques de l’association, elles sont nombreuses à mettre la main à la pâte, à aller et venir au fil des différentes éditions, sur la billetterie, la logistique ou la promo. Dans cette niche musicale précise où la testostérone domine, il n’y a dès lors plus de confrontations « de mec à mec », pas plus d’ailleurs qu’il y a de séduction mal placée : seul le rapport à la musique importe – la relation est pure. En tant que journaliste, j’ai toujours eu personnellement un problème avec les musiciens, artistes, producteurs, programmateurs et autres VRP d’eux-mêmes qui tentent de vous vendre leur came, de vous amadouer tout en vous faisant comprendre que vous n’êtes qu’un relais de leur si pertinent travail… Jamais ici : Céline et Séverine font avant tout ce festival pour elles, sans tirer de plans sur la comète, sans faire de concessions avec quiconque, avec pour seule ambition de réunir un minimum de monde autour de cette aventure pour que celle-ci existe. Et c’est la seule manière de faire, enfin, la bonne à mon sens. Ceci implique nécessairement de ne pas avoir vocation à grossir (ce n’est pas le but), mais explique aussi pourquoi B-Side est parvenu avec le temps à réunir un public très hétéroclite, fidèle, et bien présent sur cette huitième et dernière édition en date. Now, let’s take a walk on the wild Side.

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Samedi 23 mai, La Machine à Coudre

La première performance de la soirée, c’est la mienne : j’arrive à l’heure. Noyée dans les ruelles du quartier populaire de Noailles, la Machine à Coudre est le fief historique de la scène rock labellisée garage à Marseille, et c’est une petite jauge. Impossible d’accéder à la scène sans passer avant par le comptoir, ça tombe bien, j’ai toujours soif, et l’insubmersible J2P, qui préside à la destinée de ma future boisson, m’alpague. On papote, je croise rapidement Céline, détendue à l’aune des premières préventes, et les cinq Marseillais de Palm&Dub montent enfin sur scène. Récemment appuyés dans ces colonnes sur la foi d’une split-K7 publiée sur un micro-label du coin, ceux-ci sont encore tout jeunes mais possèdent déjà une identité intéressante, un peu comme si, toutes proportions gardées, ils couplaient la rigueur de Joy Division aux tonalités arty de la scène de Brooklyn. Bref : du post-punk avec des couleurs, des guitares et des synthés, quelque chose que l’on entend finalement assez rarement en ville, avec mentions spéciales pour la section rythmique et le chanteur, statique et magnétique, regard distant et coupe de cheveux très réussie. Fin du set, court mais prometteur : je retourne au bar, ça commence à se remplir (la salle, mon verre, ce papier).

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Deuxième concert à l’affiche : Crash Normal. Ce soir, le duo parisien affilié au label Born Bad déboule sous un différent line-up : Jérôme (essentiel préposé aux synthés) n’est pas là, et son comparse Etienne (guitares) va devoir faire tout seul avec la formidable Chloé (batterie et nouvelle recrue). Evidemment, ça change un peu la donne mais personne ne va y perdre au change : leur set démonte. C’est sale, compact, érudit, du rock’n’roll joué avec un minimum de moyens et un maximum d’intensité. On comprend dès lors mieux pourquoi ce groupe est régulièrement cité (bien malgré lui) comme l’un des parrains de la scène garage dans l’hexagone. En cet instant, il doit faire à peu près cinquante degrés, l’audience commence abusivement à s’agiter, c’est parfait dans ce registre ou plutôt totalement imparfait : c’est mieux. Retour au bar où c’est naturellement l’émeute, j’y trouve une connaissance qui m’apprend que les Japonais d’Acid Mothers Temple joueront cet été sur l’archipel du Frioul (!)… On a connu pire au large de Marseille. Puis la tête d’affiche de la soirée arrive enfin : The Rebel, leader des cultissimes (à ce qu’il paraît) Country Teasers. Le mec a l’air bien barré, quadra chevelu à lunettes carrées et total look paramilitaire, armé de ses seuls micro, guitare et… consoles de jeux 8bit. Voilà pour la forme. Pour le fond, imaginez un lointain cousin de Mark E Smith jouant une sorte de country déglinguée sans que personne ne comprenne réellement tout ce qu’il baragouine (ses textes sont réputés grinçants). Forcément, après Crash Normal, le soufflet retombe un peu : certains se délectent de la lo-fi performance, d’autres comme moi s’en cognent et veulent juste profiter du moment. Je rejoins le plus petit fumoir du monde installé pile-poil sur le côté droit de la scène : guère mieux, je m’emmerde toujours autant. Allez, un dernier détour par la case patinoire toilettes (je ne laisse jamais de traces, d’autres s’en chargent mais elles sont nettement plus jaunes), un bisou par procuration et je me retrouve à l’air libre avec les mouettes, c’est chouette.

Jeudi 28 mai, L’U.Percut

Ce soir, Etienne Jaumet est en ville et il joue tout au bout de ma rue : ça fait déjà deux bonnes raisons de me bouger le cul. Je passe rapidement récupérer deux copains sur le cours d’Estiennes d’Orves, cette large place piétonne du Vieux Port où tous les soiffards du coin ont pris leurs habitudes, et on grimpe, on grimpe, enfin pas trop vite non plus, pour finalement atteindre l’U.Percut, qui est donc située un peu au-dessus du quai de Rive Neuve.

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Le spot est assez récent et jouit déjà d’une bonne cote de popularité, à raison, car on peut y manger (bien), y boire (bien) et y écouter des concerts de petites formations jazzy (souvent). Légère agitation devant l’entrée, ça fume, ça tchatche, on entre, commande vaguement un truc, et puis on ressort, parce que ça fume, ça tchatche, et que nous aussi. Pour la musique, c’est au sous-sol que ça se passe, enfin pas tout à fait encore puisque Pépé (c’est une fille) enchaine quelques disques avant l’arrivée du grand manitou booké en tête d’affiche. Lorsque Etienne Jaumet entre enfin en scène, sans omettre de saluer la sélection de la jeune femme, la tension monte d’un cran. C’est un habitué du festival, il y est déjà venu avec Zombie Zombie (par deux fois) ou en solo, et son seul nom suffit à attirer un public un peu plus hip que d’ordinaire – ou simplement des gens qui savent. Cerné par ses synthés analogiques, il attaque son live avec une boucle cosmique, lente, insidieuse, comme un mantra pour bien préparer le terrain à son auditoire, dont les premiers sifflements stridents trahissent une envie forte de partir en sucette. Le premier pied d’obédience techno arrive bientôt, et dès lors, plus personne ne va redescendre de cette satanée planète où notre homme nous catapulte avec sa bonhomie habituelle. Plus qu’un guérillero de la chose électronique vintage (Carpenter, Moroder, Klaus Schulze et tout le toutim), Etienne Jaumet est un shaman. Ses motifs, tout en spirales ascensionnelles, sont similaires à une lente montée d’ayahuasca dans la forêt amazonienne, enfin, une lente rasade de mojito mijoté par l’un des types au bar – pour l’instant j’ai rien trouvé d’autre. Les gens sont à donf, c’est à en croire que des drogues de synthèse circulent en masse dans l’assistance, mais non, c’est bien la musique qui les pousse à danser comme s’ils étaient possédés par un esprit malin. Applaudissements nourris à la fin du set, franche extase, je me recommande un mojito et vous suggère avec passion de les essayer un jour. La salle se vide assez vite, c’est dommage car la charmante Marion des soirées parisiennes La Klepto prend ensuite les platines. Elle joue une électro pointue, je m’approche et constate qu’elle utilise un matériel conséquent avec tout un tas de diodes luminescentes. J’en parle à Séverine, qui a elle-même été DJ par le passé, celle-ci me confirme qu’il y a effectivement une bonne part de live dans son mix. On n’arrête pas le progrès, pas plus d’ailleurs que ceux qui doivent se lever le lendemain, et je ne tarde plus à m’éclipser. Sur le trottoir, Etienne Jaumet discute avec quelques fans, nonchalamment adossé à une voiture. Etienne Jaumet est cool.

Lundi 1er juin, Montévidéo

Passer deux soirées d’affilée dans un même endroit m’ennuie au plus haut point, surtout quand la première d’entre elle se tient un dimanche soir. Du coup, je m’enquiers de savoir, une fois arrivé sur place, comment se sont passés les deux concerts de la veille, assurés par Kevin Morby (nouveau petit prince de la scène folk US) et Laetitia Sadier (ex-chanteuse de Stereolab qui s’est depuis lancée en solo dans un registre plus intimiste). Plutôt bien, à ce qu’on me rapporte, pour ce qui constituait le plateau le plus détendu du string de B-Side, en l’occurrence ici plus orienté vers le songwriting que vers le lâcher de mécréants sous influence. Rien à voir avec ce soir, donc, puisque deux groupes à haute teneur psychédélique sont attendus par le GRIM (qui tient les rênes de Montévidéo avec une compagnie de théâtre). Celui-ci a une approche très contemporaine, pour ne pas dire arty, de la création musicale, et Montévidéo attire donc à lui des gens qui semblent tous se connaître, cultivent une certaine forme d’élitisme et, comble de l’horreur, savent se tenir correctement.

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Pas d’exception à la règle ce soir : dans la petite cour extérieure où il fait bon flâner, on croise des barbes, des franges, des moustaches, des tatouages, et tout un tas d’autres attributs à la symbolique menteuse, puisqu’il n’y aura ensuite aucun débordement dans la salle (ailleurs, ça aurait sans doute été une autre affaire). Certes, les groupes joueront un peu en mode « début de semaine », mais tout de même, le concert d’Acid Baby Jesus méritait mieux qu’une salve d’applaudissements feutrée. Ces cinq Grecs ont pour particularité d’inclure un peu de rebetiko traditionnel dans leur garage psyché. Enfin, pas trop non plus, ça ferait tâche, surtout quand on s’est payé le luxe de partager une tournée entière avec les Black Lips, dont ils sont musicalement assez proches. Donc, c’est dans la droite lignée des compiles Nuggets mais avec le charme de l’exotisme, et pourtant pas encore à la hauteur de leurs cousins américains d’Atlanta, ces branleurs magnifiques dont il leur reste à apprendre la gestion de l’espace (et du bordel) sur scène. Fin du concert, je vais prendre un peu l’air et croise un vieil ami rocker qui me parle de l’excellent concert récemment donné par Frustration au Molotov (autre salle rock du secteur Plaine). Merde ! J’avais oublié. Je m’empresse d’aller noyer mon chagrin au bar et y trouve Benoit Sabatier (ex-Technikart) accoudé avec sa compagne. Je prends de ses nouvelles, on parle un peu d’Aline (lui aussi en est revenu), de Gonzaï, et surtout de ce film que tous les deux préparent en loucedé, ici à Marseille, sur un canevas rock, jeune… et fier. Moon Duo démarre son set, on se quitte, je rejoint le fond de la salle et me plante juste devant l’ingé-son, c’est toujours l’une des meilleures places. Beaucoup de gens sont venus pour le duo américain, ils sont l’une des deux ou trois têtes d’affiche de cette édition. La nouveauté, c’est que le batteur qui les accompagne désormais en studio est également de la partie sur scène, et cette formule ne fait que renforcer le côté primal de l’affaire, répétitive à souhait. Assez statiques mais appuyés par des projections qui viennent épouser leurs silhouettes, Ripley Johnson (guitares) et Sanae Yamada (claviers) n’ont de toute façon rien de mieux à faire que d’asséner de longues envolées d’obédience motorik, hypnotiques et noires comme le charbon, noyées quelque part entre le Velvet de « White Light/White Heat » et les travaux d’Alan Vega (avec ou sans Suicide). Super concert au final, et donc, meilleure soirée de cette 8e édition pour l’heure… car il reste encore la soirée de clôture, et c’est dans deux jours. Il faudra être en forme : j’abandonne mon verre et quelques connaissances, toujours à regret.

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Mercredi 3 juin, L’Embobineuse

Elles avaient donc gardé le meilleur pour la fin, et chacun de se décider bientôt à aller réserver sa place au plus vite, il n’y en n’aurait pas pour tout le monde. Pensez donc : King Khan, l’entertainer voodoo en formation big band, dans une salle aussi démente que L’Embob’, ça promettait quelques étincelles, et donnerait surtout une illustration parfaite de ce que propose B-Side depuis 8 ans. The « Girlz In The Garage » with the boys in the garage… comme une évidence. Nous arrivons un peu trop tard pour bénéficier du barbecue organisé à l’extérieur par l’équipe de l’Embobineuse, ouvert à tous (et bien naturellement aux musiciens). Voici typiquement le genre de truc qui peut déjà vous éclairer un peu sur les hôtes : ici, c’est comme à la maison, sauf que la maison tient davantage du squat et que tu y es le bienvenu, qui que tu sois, d’où que tu viennes, tant que tu nous casses pas les couilles.

Un peu excentrée dans son périmètre du quartier populaire de La Belle de Mai, où il ne fait pas bon trainer à des heures tardives, L’Embobineuse est un peu le temple des cultures alternatives à Marseille. Elle est ici à sa place, loin des clichés proprets de l’hypercentre, et elle se mérite, donc, mais tous ceux qui ont un jour poussé sa porte en sont rarement sortis indemnes… C’est un autre monde, l’un des rares où l’on appréhende encore le terme « alternatif » avec révérence, un espace de diffusion artistique envisagé dans les marges, piloté en quasi autogestion par une petite équipe de dingues qui, l’un n’exclue pas l’autre, sont charmants. J’ai honte : je n’y ai pas mis les pieds depuis un bon bout de temps (L’Embob’ a survécu à bien des galères depuis), ce qui n’empêche pas Chantal, pilier historique de l’histoire avec quelques autres, de m’accueillir au bar avec un franc sourire. La salle, un long corridor sombre où trône une Trabant customisée sur un côté, est blindée. Shake Shake Bolino, le side-project du guitariste de Cheveu avec sa compagne, termine tout juste son set et je n’ai malheureusement rien à rapporter de ce côté-là.

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Changement de plateau, et bientôt, c’est logiquement en slip, gris-gris lacé autour du cou et cape sertie de poussière d’étoiles que King Khan déboule avec ses neuf musiciens The Shrines (dont bon nombre de cuivres). Démarrage sur les chapeaux de roue avec ce cocktail explosif qui a fait sa réputation dans le circuit underground, à cheval entre le MC5 et la Motown, avec une bonne louche de Sun Ra pour l’apparat cosmique apporté à l’ensemble – Detroit à mort, donc. Les musiciens sont rodés (ça pète) et heureux d’être là, le King lâche rapidement un « La jeunesse emmerde le Front National » qui pourrait paraître anachronique mais garde ici tout son sens, pensez, on est à Marseille. Son timbre de voix éraillé fait merveille, y compris sur les quelques slows, et il n’a pas son pareil pour emballer l’assistance – une demoiselle lui balancera rapidement sa culotte au visage, le King aura ensuite l’élégance de faire tourner. La machine tourne à plein régime, on en vient même à se demander comment un truc si fédérateur n’a pas pu trouver sa place dans des festivals nettement plus imposants. En fait, je crois que King Khan et les siens s’en tamponnent un peu. A la fin du concert, en sueur, je me retrouve au bar pour aller y chercher du punch, parce que j’en manque après cette offrande survoltée. King Khan s’approche de moi, me gratte une clope, et me demande à quoi servent ces petits boutons bleu et rouge situés sur un côté du filtre. « You see, man, it’s a psychedelic cigarette. If you push the blue button, you’re gonna get high and reach another dimension… But if you push the red button, oh man… Don’t push the red button ! Beware, it’s a one-way ticket ! ». En vrai, je lui réponds que c’est goût menthe ou goût fruits rouges, et le King repart, vaguement déçu, ça m’apprendra à me balader avec des cigarettes de Castafiore. Je garderai donc du King l’image de cette créature qui en appelle sur scène à l’esprit du cinéaste John Waters, le gras du bide à l’air, des plumes plein la coiffe à défaut de se les placer ailleurs, bon père de famille s’époumonant à la fin de son set « I wanna be a girl ! »

Donc : chapeau les filles, maximum respect, maximum rock’n’roll.

Infos B-Side : www.inthegarage.org
Photos : François Guery

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