Se rendre au festival d’Aurillac, c’est la perspective de passer des nuits entières assis en tailleur au coin d’un feu pour rencontrer de drôles d’énergumènes. On peut d’ailleurs songer au slogan du directeur du festival Jean-Mary Songy «  une édition pour faire l’amour, pas la guerre ». Ca peut sembler un poil naïf, mais quand même c’est ce qu’on vient chercher ici : de l’amour brut à s’injecter en intraveineuse. J’ai pas été déçu.

Dès le 23 août, à l’occasion de ce 32ième Festival International de Théâtre de Rue et des Arts de la rue, à Aurillac, les tentes et camions hamacs se sont plantés, exploitant chaque centimètre carré d’herbe pour accueillir comme chaque année une fête sans limites où l’ennui jusque tard dans la nuit reste hors de la ville d’Aurillac.

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(c) Francis Azevedo

 À peine entré dans la zone dite du camping où quelqu’un vomit jaune et donne sans le savoir double ration aux vers de terre boostés, les propositions de cachetons fusent dans tous les sens. Kétamine par ici, vision d’éléphant rose à bas prix, LSD par là. C’est un concerto pour drogue moins cher qu’un mojito qui s’ouvre alors. Avec ces apéros géants qui redémarrent toutes les heures,  le mythique « deux secondes » mettra cette fois plus de temps à s’ouvrir sous les étoiles extra luminescentes du Cantal…

(C) Nina Rivérola Lombard
(c) Francis Azevedo

 Plus loin certains s’essayent sous un pont à la transe portée par des airs de flûte envoûteurs, d’autres s’adonnent à l’hypnose et c’est beau tout ce chaos et cette jeunesse qui rayonne loin des stéréotypes de la génération Y. Les batucadas n’ont pas encore envahi la ville avec leurs rythmes endiablés que déjà on sent l’effervescence gagner Aurillac. Les poètes eux, dans la ville composent des fragments à partir d’un mot lâché par un passant sur une machine à écrire aidés par leurs petits dieux accrochés en bandoulière : Kerouac, Ginsberg, Burroughs. L’ambiance est électrique près du square ou vers l’église : clowns, jongleurs, mimes, cracheurs de feu s’en donnent à pleins poumons. Impossible d’arrêter cette propagation artistique ou ces 8.6 et Amsterdam maximator qui ne cessent de couler.

Une spectatrice attend patiemment d’être brûlée sur le bûcher à la manière d’une Jeanne D’Arc.

Devant la terrasse du « Café de ma Grand-Mère » la compagnie La Méandre attire l’attention, elle propose un spectacle qui se décline en Mikado géant. Avec des planches de bois qui servaient à l’origine de gradins pour un spectacle où chaque planche sera par la suite enlevée et de la sorte réutilisée afin « de redonner une autre couleur à la ville », selon les mots de l’organisateur. Certains s’amusent à bloquer la circulation en construisant des barricades avec ces bouts de bois, d’autres tentent des jeux d’équilibres plus ou moins précaires ; une spectatrice quant à elle, s’est réfugiée entre les planches, attendant patiemment d’être brûlée sur le bûcher à la manière d’une Jeanne D’Arc. Okay. Plus loin, c’est un autre spectacle, Tentative(s) de résistance(s), qui prend forme. Il y est question de la lutte, voire de la survie de l’artiste, dans un contexte de crise qu’elle qualifie d’« économico-lubrique ». Mari-Do Fréval, qui joue et réalise, critiquera au sein de son monologue de poésie en sur-régime, des symboles iconiques de la République avec acharnement, Marianne est passée au vitriole affublée par l’artiste d’un gode ceinture. C’est donc ça l’Auvergnedose à Aurillac, avec ou sans chien !

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(c) Francis Azevedo

Les rues d’Aurillac, malgré leur dispositif de sécurité intense qui renforce le scission entre intérieur et extérieur de la ville (à la manière d’Avignon) a été occupé par les festivaliers intensément durant trois jours. Point d’émeutes ni d’éclats, contrairement à l’an passé où les barrières avaient valdingué dans tous les sens, et les tagues anti-flics recouverts la ville à peu près partout ; Acab inscrit en rouge ou en noir. Bien sûr la défonce a joué une place importante durant ce festival, une défonce à ciel ouvert aux spectacles pour contrecarrer nos représentations du corps, notre appréhension de l’espace urbain, cela en vue de rendre toutes barrières et filtrages de sécurités entre l’art et la rue inutiles.

 Photos : Francis Azevedo.  

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