"Gran Madam's" est un des derniers nés d'Anne Bourrel. Publié à la Manufacture des livres, un roman noir au féminin dont les héros sont des évadé-e-s. Entre les bons et les brutes, les femmes.

L’histoire, c’est celle de l’itinéraire d’une prostituée, Bégonia, entre les bars glauques à la frontière espagnole – la Jonquera –  et les appartements de luxe parisiens. En chemin, on croise toutes sortes d’individus, des plus touchants aux plus terribles (ou les deux en même temps). Un petit détour et nous voilà dans les galères d’une ado en fugue. Pour le pitch, vous n’en saurez pas plus, ça serait dommage de gâcher le côté tarantinesque de la fin de ce livre avec quelques phrases, histoire de vous prouver que je lis en entier les livres dont je parle.

767495Ce livre n’est ni racoleur ni trash, ni prosélyte ni moralisateur. En ce sens, on pourrait lui trouver un côté féministe discret et bien dans ses bottes. Bégonia raconte l’histoire, ce qui se passe, et comment elle est arrivée dans cette boite à putes sordide. Parce que ça l’est. En journaliste professionnelle, j’ai tapé dans Google « Gran Madam’s Jonquera », et je n’ai pas été déçue. Le Madam’s est donc bien un bordel qui existe. Et l’on apprend que les filles sont majoritairement originaires de Roumanie (on parle de « cheptel »), moins jolies qu’au Dallas (visiblement un autre club du genre pas loin, je ne suis pas appliquée au point de vérifier TOUS les bordels du coin) mais « déterminées à la tâche ». Certes. Loin de moi l’idée d’aboyer les seins à l’air comme le font les féministes de notre siècle, mais est-ce bien de femmes dont on parle ? J’ai déjà vu des descriptions plus flatteuses émanant d’un élevage de cochons destinés à l’abattoir (Go Vegan bon sang ! – je m’égare). Marchandisation de la femme, marchandisation du sexe, hommes au pouvoir, etc. On ne va pas refaire le tableau de la domination masculine, il y aura toujours un gros débile qui sent de sous les bras pour venir commenter « oui mais y a des filles qui sont d’accord de faire le plus vieux métier du monde ». Sans aucun doute, et c’est le libre choix de la libre disposition de notre corps (et du vôtre, messieurs, il n’y a pas que des femmes travailleuses du sexe). Faisons tout ce que nous voulons de notre corps, de centaines de tractions douloureuses au tatouage en passant par la prostitution, la boxe ou la drogue. Par contre : le plus vieux métier du monde, c’est potier, pas pute. Et ensuite, il y a fort à parier que la plupart de ces nanas, dans ces lieux, n’ont pas forcément choisi leur situation.

grand_madam_sC’est le cas de notre narratrice Bégonia, pour revenir à notre cheptel. Elle s’est retrouvée là, pieds et poings liés, menacée de passage à tabac au mieux en cas de fuite, traitée comme une esclave, sans même avoir le droit de lire. Ce roman va vite, monté comme un film, très visuel, très frappant, très brutal, aussi. A peine a-t-on le temps de respirer et de détendre la pression qui s’installe aux premières lignes quand Virginie parle d’amour, de ses rêves et de ce brave garçon qu’elle croise… Une petite lueur dans un paysage bien noir et sanglant.

Anne Bourrel // Gran Madm’s // La Manufacture de Livres

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