Si certains décès par overdose célèbres demeurent encore mystérieux, comme celui de Kurt Cobain, d’autres le sont moins... C’est à ces dernières que s’intéresse "Surdose". Le livre lève le voile sur les causes de ces morts à la lumière de faits indubitables et glanés au fil d’enquêtes policières, menées à Paris par la brigade éponyme au livre d’Alexandre Kauffmann qui officie entre le Quai des Orfèvres et les domiciles des victimes.

Dans Surdose, Alexandre Kauffmann se fait l’écho du quotidien de cette brigade de stups après s’être plongé durant une année dans leurs affaires d‘homicides involontaires. L’auteur, reporteur freelance, tout juste père, ne touchant plus à un verre d’alcool, a cherché au moyen de ce reportage empli d’empathie et d’humanité, à exorciser ses black-out dûs a des excès. « On me sommait d’expliquer des fautes dont je ne me souvenais plus. Comment justifier le comportement de cette doublure fantomatique, de ce décalque foireux de moi-même ? » Dans son livre, l’auteur parvient à circonscrire à travers son reportage aux couleurs d’un polar rudement bien mené, le démon intérieur qui chaque soir nous susurre à l’oreille : « il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu ».

Ce sont les amateurs de drogues de synthèse et de lignes blanches qui se shootent au doigt mouillé, ivres, que Surdose devrait interpeller; et peut-être même éclairer mais pas seulement. Le temps où les morts d’overdose étaient celles de junky, gisant entre deux poubelles une seringue plantée dans le bras, asphyxié dans son vomi est révolu. Comme l’écrit Alexandre Kauffmann : « La figure du  junkie squelettique errant en guenille sous les ponts a disparu des tableaux de l’unité, même si elle resurgit parfois des tréfonds de la ville ». La majorité des « victimes » se plient aujourd’hui aux impératifs de la société ». Ces overdoses ont souvent lieu à domicile tout comme leur vente conclue à partir de call center. Elles sont liées à des drogues de  plus en plus pures étant donné la concurrence qui règne à l’intérieur d’un marché livré au plus sauvage des capitalismes. Par exemple cet étudiant en école de commerce qui « pour fêter l’obtention de son diplôme s’est essayé à la cocaïne. Il a passé la nuit à boire de l’alcool. Au petit matin, son cœur a lâché. En audition, les parents ont déclaré que leur fils ne touchait pas à ce type de drogue. Ce qui était probablement vrai deux jours plus tôt ». Qui plus est, chaque semaine une nouvelle drogue de synthèse dont les effets restent encore méconnus apparait en France, en retard sur ce sujet en regard de ses voisins européens. « L’héroïne n’est plus responsable que d’un quart des décès. Le reste se partage entre cocaïne, MDMA, nouveaux produits de synthèse et opioïde médicamenteux ».

Parmi toutes les morts qui jalonnent Surdose, l’une a particulièrement frappé l’auteur. Elle ouvre ce livre qui se lit comme du Agatha Christie en plus trash et condensé, celle d’un de ses voisins de quartier retrouvé nu par la police au petit matin sur son canapé, un gode dans l’anus, une auréole de sang se rependant le long de se bouche. Les analyses toxicologiques ont révélé une forte concentration de 3_MMC dans son sang, une molécule de synthèse aux effets euphorique et aphrodisiaque, que l’on obtient à partir d’une plante africaine, le khat.

Outre le fait d’assouvir notre curiosité à l’égard de ces produits psychotropes comme la 3_MMC ou le NBOMe, une substance de synthèse aux  effets proches du LSD, ce livre réussi à dialectiser notre rapport contemporain à la drogue et le mettre en perceptive en donnant la parole à un dealeur. L’auteur le rencontre un peu par hasard lors d’un vernissage d’une exposition de photographie d’un de ses amis photographes. Ses positions tranches avec celle récoltée lors des interrogatoires de la brigade de stups. Le dealer ne comprend pas comment des peines aussi lourdes de prisons peuvent être prononcées contre lui en cas d’overdose d’un de ses clients. « Le gars y sait très bien que ce n’est pas de la tisane qu’il tape. Moi, je garantis juste que ma came n’est pas coupée avec de la merde. À partir de là, faut prendre ses responsabilités… » dit-il. Ce que font les clients de la drogue qu’il livre ne le concerne pas au même titre qu’un individu se procurant une arme chez un armurier et l’utiliserait pour faire un massacre. En quoi l’armurier serait-il responsable ?

Par ailleurs on apprend que le taux d’élucidation des overdoses a grimpé ces dernières années et est passé, entre les années 90 et aujourd’hui, de 20 % à 80 %. Ca, on le doit à la téléphonie mobile et aux écoutes téléphoniques. Elles ont joué un rôle majeur au tournant du millénaire et ont permis presque à chaque fois de remonter jusqu’aux dealers ou au site d’achat qui aurait livré la substance causant l’overdose. Chaque enquête ainsi menée par le groupe Surdose a pour tâche de faire comparaître le dealer devant la justice et de les traduire pour homicide involontaire, qu’il y ait suicide ou pas de la « victime ».

Surdose se lit d’une traite. Une fois la lecture enclenchée, il est impossible de décrocher tant les points de vue varient et épousent une parfaite neutralité lors de cette investigation dénuée de jugements moraux. Ils donnent la possibilité de penser ces produits psychotropes qui accompagnent l’humanité depuis ses origines et n’ont plus rien d’artificiel, mais s’inscrivent plus que jamais dans le quotidien de nos civilisations.

Alexandre Kauffmann // Surdose // Editions Goutte d’Or
https://www.editionsgouttedor.com/goutte-d-or

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