L'Ecossais qui a fondé Creation Records, et qui lance aujourd'hui 359 Records, est autant un héros qu'un rescapé.

359Music-label-for-webHéros parce qu’il a lancé la quasi-totalité des groupes de rock intéressants de ces trente dernières années, exception faite de Blur, Pulp, les Smiths, les Happy Mondays et les Stone Roses. Tous les autres, c’est lui. Il est surtout connu du grand public pour avoir touché le pactole en produisant Oasis et a même offert une Rolls Royce couleur chocolat à Noel Gallagher pour fêter l’événement. Mais ce n’est probablement pas pour avoir fait connaître Oasis que les poppeux du monde entier lui doivent une reconnaissance éternelle. Teenage Fanclub, My Bloody Valentine, Ride, Mogwai… Chacun fera son choix parmi la tétrachiée de groupes passés entre ses mains d’alchimiste.

Rescapé parce qu’Alan McGee prenait quotidiennement de l’ecstasy, du speed, de l’acide, de la coke et du Jack Daniels. Il a failli crever à cause de ses excès et file droit à présent. On ne gobe pas impunément avec les Happy Mondays sans en payer les conséquences. Pour son œuvre, McGee est un modèle que les junkies du monde entier devraient vénérer.

Creation Records n’existe plus depuis l’an 2000 et la sortie d’« XTRMNTR » de Primal Scream. Mais l’indécrottable McGee vient de remonter un nouveau label – 359 Records – ce qui était une bonne raison de se rencontrer. Rendez-vous est donc fixé dans une brasserie chic du XVIe arrondissement, au pied de la Maison de la Radio et peuplée de culs-cousus. McGee est venu avec Pete MacLeod, l’un des artistes signé sur son nouveau label.
Le seul défaut de ces mecs ? Leur foutu accent écossais qui rend leurs propos parfois imbitables. Allez, on se calme et on boit frais : des bières pour tout le monde, et un cappuccino pour Alan. On nous avait prévenu avant de le rencontrer qu’Alan McGee était le mec le plus cool du monde. Et bien figurez-vous que c’est vrai !

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Bon alors, ce nouveau label ?

Et bien il s’appelle 359 Music, parce qu’un degré de plus et c’est la révolution ! Je joue un rôle de distributeur pour une petite dizaine d’artistes. Ça démarre, là, ça fait six mois qu’il existe.

Tu es révolutionnaire dans l’âme ?

Il n’y a rien de mieux qu’une révolution, qu’elle soit musicale ou politique, c’est sain.

Comme toi alors, tu as l’air en forme.

Oui, je me sens bien en ce moment. Bien plus qu’il y a un an. Et voilà, je suis de retour ! Le modèle a changé tellement vite, c’est bien d’une révolution dont il s’agit. Le secteur musical a été profondément bouleversé, les chose sont moins compliquées, il y a moins de moyens même si je vois que vous avez mis le paquet en dépêchant une photographe ! On apprend tellement vite de nos jours… Robert Anton Wilson a écrit là-dessus et il avait une théorie marrante qui s’appelait « Jumping Jesus », qui porte sur le fait que la connaissance humaine croit de manière exponentielle dans des délais de plus en plus courts depuis l’an 1 de notre ère, qui marque la naissance d’un célèbre philosophe.

« Il y a vingt ans, on trépignait en se demandant quel allait être le prochain gros truc. Là on s’excite sur les reformations de Sugar et Slowdive ».

Remontons le temps : pourquoi as-tu arrêté le label Creation ?

J’en avais plein le cul de devoir travailler avec Sony Music et sa technostructure. Tout était devenu tellement compliqué. Là, j’ai retrouvé une souplesse que j’avais perdue. La décision de venir passer quelques jours en France vient d’être prise, on n’a rien planifié, c’est rock’n’roll et ça me manquait. C’est quand même plus facile de commercialiser de la bonne musique actuellement. J’ai des super artistes sur mon label qui inventent des choses. Ils sont bien meilleurs que des tas de groupes établis. On a changé de culture. Il y a vingt ans, on trépignait en se demandant quel allait être le prochain gros truc. Là on s’excite sur les reformations de Sugar et Slowdive. Je n’ai rien contre eux mais voilà où on en est…
J’utilise pas mal les réseaux sociaux et c’est ce qui permet à ces nouveaux artistes de se faire connaître par moi. A l’époque de Creation, il y avait toujours quatre ou cinq personnes qui faisaient barrage autour de moi. C’était nettement plus difficile de rentrer en contact avec moi à l’époque. Là, il suffit juste de m’envoyer un message et de me dire qu’on a envie de me rencontrer. Et c’est tout. C’est ce qu’a fait Pete MacLeod d’ailleurs… A 53 balais, j’ai toujours envie de donner leur chance aux artistes. Qui aurait prédit qu’on allait sortir sept albums de Primal Scream avec Creation ?

Vous êtes restés amis avec Bobby et les autres ?

On s’envoie des SMS tout le temps avec Bobby Gillespie, on est toujours très potes. J’ai des projets de faire le DJ avec Liam Gallagher aussi. Au Japon ou ailleurs.

Quel est ton album préféré paru chez Creation ?

Putain, c’est super dur comme question ! Bon, je dirais que c’est « Screamadelica » de Primal Scream justement. C’est leur versant pop, ils ne seraient jamais arrivés à un tel résultat s’ils n’avaient pas autant gloutonné d’ecstasy… J’en prenais beaucoup aussi ! Ca s’entend vachement d’ailleurs, contrairement à « XTRMNTR » qui est nettement plus bourrin. Quand tu prends plein d’ecsta, tu as envie de faire des câlins à tout le monde. Et c’était une version intéressante de ce que pouvait faire Primal Scream. Si on me pose la question demain, je répondrais probablement autre chose ! Mais cet album pacifique me définit assez bien. Pas mal de classiques sont sortis sur le label : le premier album d’Oasis est le miroir de son époque, tout comme « Psychocandy » de The Jesus & Mary Chain reflète bien la musique pop rock de 1985. Souvent, les artistes ont besoin de temps pour s’exprimer pleinement et parvenir à faire un classique. Oasis et The Jesus & Mary Chain y sont parvenus du premier coup, contrairement à Primal Scream.

« J’aime bien Phoenix et les Daft Punk. »

En France, on a une nouvelle génération de groupes noisy qui fait des trucs pas mal : JC Satàn, Cheveu…

Je ne connais pas. En revanche, j’aime bien Phoenix et les Daft Punk.

Daft Punk a commencé à craindre en 1999.

Je sais ce que vous allez me dire : « Ils n’inventent plus rien, ce n’est que du recyclage ». Et bien je suis d’accord avec vous mais je m’en fous un peu, je trouve leur album agréable à écouter. Get Lucky, c’est très bien mais ma gamine dit que c’est de la musique de vieux. On l’entend partout, elle trouve ça nul à chier.

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Il y a un groupe que tu n’as pas réussi à signer, ce sont les Stone Roses. Pourquoi tu les as loupés ?

Parce qu’ils étaient de Manchester et bougeaient très peu hors de leur ville. Généralement, les artistes mancuniens étaient extrêmement liés à leur ville, un truc de dingue. Moi, je ne les connaissais pas avant qu’ils n’explosent. On parle d’une époque où Internet n’existait pas. Alors, ce que vous pourriez me rétorquer, c’est  :« Tu dis ça mais tu as bien signé les mecs d’Oasis qui sont de Manchester ! ». Mais personne ne voulaient les signer, c’est pour ça ! Quand ils sont venus chez Creation, tout le monde s’en foutait.

Est-ce que tu es riche ?

Comment ça ?

Et bien, pourrais-tu t’acheter une île et prendre ta retraite ?

Ouais, mais je n’ai pas envie de vivre sur une île trop petite. Je m’emmerderais. Je me sens mieux au Pays de Galles, hein ! Mais je suis suffisamment à l’aise pour arrêter de bosser. J’ai eu du bol de pouvoir me lancer à une époque où les gens payaient les disques. L’idée de s’impliquer dans ce secteur est lié au fait qu’on aime la musique, pas qu’on a envie de faire plein de blé.

Pour finir, on va jouer à un jeu. Je vais te citer des groupes que tu as lancés et tu dois en réponse nous donner un nom de drogue. OK ?

Ouais ! Super !

Pete MacLeod ?

Speed.

My Bloody Valentine ?

Marijuana.

Je n’y aurais pas pensé… Oasis ?

Cocaïne.

Pete MacLeod : Super, ça veut donc dire que je suis une version cheap d’Oasis ?

Alan McGee : Mais non, c’est parce que tu es speed !

Pete MacLeod : C’est quoi la règle du jeu ? Répondre que tel gus te fait penser à telle drogue ou qu’il consomme tel produit ?

C’est la deuxième alternative ! On veut savoir ce que consommait tout ce beau monde.

Alan McGee : Parfait, c’est bien comme ça que je l’avais compris !

Ouf ! On continue alors : Primal Scream.

Héroïne !

The Jesus & Mary Chain ?

De la DMT.

Ah ouais, quand même… Ride ?

Les Quaaludes.

Bien. Les Boo Radleys ?

De l’eau plate.

Hahaha, il fallait bien qu’il y ait un groupe clean au sein du label.

Vas-y continue !

Slowdive ?

Acide.

Toi ?

Ah, non ce n’est pas réglo de me demander ça. Je ne prends plus rien, je suis clean.

Les Libertines ?

Du crack !

Allez, continue, je veux un autre groupe !

Heu… Ride ?

Non, tu me l’as déjà faite ! Un autre !

Les Television Personalities alors [Le groupe n’a pas été signé chez Creation mais McGeen avoue que c’est Dan Treacy qui lui a donné l’envie de lancer son label, NDR]

Amphétamines…

The Hives.

Crystal meth.

Je sèche là. Tu as lancé quels autres artistes ?

Je ne sais pas ! Je réalise que je n’ai jamais mentionné la bière ou autre alcool dans mes réponses… C’est dingue.

http://359music.co.uk/

Propos recueillis par Sam Ramon et The Thin White Plouc.
Photos par Astrid Karoual

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