J’ai connu Alain Carrazé très jeune, en buvant ses discours passionnés dans son émission devenue culte, Destination séries, sur Canal Jimmy. Il était alors le seul en France à défendre la série, petite fille pauvre délaissée par la télévision, ingratement abandonnée par chez nous. Aujourd’hui, devenu LA référence française en la matière, je me fais bien pâle devant ce puits de geekerie, imposant face à sa bibliothèque de DVD parfois même non encore déballés. Il m’avait promis quinze minutes d’entretien, par ma force de persuasion légendaire je réussirai à en obtenir quarante. Quarante minutes intenses, parfois vacillantes mais toujours pertinentes.

Il me faut au préalable prendre contact avec l’animal. Un retour de mail bien surprenant car me voilà, quelques minutes après ma demande, engueulé sur le ton arriviste de ma proposition d’interview : « Ah bah ce n’est pas trop tôt Gonzaï ! ». Très direct, un brin hautain, Alain Carrazé m’annonce la couleur : « Je ne veux pas l’historique des séries. Des questions pertinentes avec un angle. Mais je vous fais confiance ». Smiley. Ce n’est pas sans un picotement au cœur que j’accepte bien volontiers ses prérogatives. Avec ses dizaines d’interviews foireuses accordées à Télé Z sur le retour en force de Mimi Mathy, je peux le comprendre. Pas si simple d’être une référence. En tout cas, le rendez-vous est pris dans les nouveaux bureaux de sa société 8 Art City (1), à Boulogne-Billancourt. Après une quinzaine de minutes d’attente dans son bureau, dûes à une mésaventure informatique du Carraz’ (« Je hais les PDF ! »), l’interview peut enfin commencer.

Vous avez présenté l’émission culte Destination séries de 1992 à 2000. Un an après débarque 24. Est-ce que cela marque pour vous l’explosion de la série américaine et la vision que l’on a d’elle en France ?

Aux US et dans le monde, non. C’est une série parmi tant d’autres. Le renouveau créatif est plutôt dans les années 1990 avec Urgences, Seinfeld, Friends. Par contre en France oui. La perception de la série était «légère» pendant des années. Et d’un coup, avec une bonne trentaine d’années de retard – comme d’habitude – on se rend compte de sa portée, même si le départ resta frileux. Je me souviens très bien de la présentation de 24 à Los Angeles. Je n’aurais jamais cru à son succès, trop feuilletonnante à mon goût. Mais finalement, le tournant a eu lieu et les grosses chaînes françaises se sont mises à acheter ce genre de séries. Et effectivement, c’est bien en 2001 que Canal Plus a annoncé l’achat de 24 et que TF1, via un communiqué, déclara son intérêt pour Les Experts. Après, il faudra huit à neuf ans pour arriver à une vraie légitimité de la série.

Après le 11 septembre 2001, avez-vous perçu une différence de mentalité chez les scénaristes aux USA ? Avec des thèmes récurrents, comme la survie (Lost, Battlestar Galactica et ses murs remplis de photos de disparus), le complot et la menace omniprésente.

Oui et non. Un scénariste américain est marqué par les événements et chamboulements de sa société. La série en est le parfait reflet. Mais non, car les auteurs n’ont pas écrit Lost en pensant au 11 septembre. Tout comme X-files, qui parlait des thèmes que vous avez évoqué des années auparavant. Est-ce par opportunisme ? Je ne pense pas, ce fut juste le thème du moment. Mais il est vrai que dans les thématiques abordées par la suite, on ne peut négliger l’influence de ce drame.

Est-ce que Lost a marqué l’histoire de la série à jamais ? Peut-on donc parler d’un avant et d’un après-Lost ? Et forcément, j’aimerais votre avis sur sa fin.

Lost a marqué, certes. Mais autant qu’Un flic dans la mafia, X-files, Twin Peaks. Et la liste n’est pas exhaustive. Elle marque son temps, ni plus, ni moins. Elle a surtout prouvé qu’une série aussi feuilletonnante et complexe peut marcher, ce qui n’avait pas été le cas avant. Mais encore une fois, pas plus que I love Lucy en 1955, qui invente la sitcom et qui marque à jamais la télévision américaine. Alors cette fin, je suis plutôt ambidextre (rires).

Ah non, il faut choisir son camp. Moi, j’ai adoré.

A partir du moment où j’ai pigé que les scénaristes voulaient se baser sur les personnages et que leurs progressions dramatiques étaient à la base de la série, j’ai bien aimé et j’ai trouvé ça très bien ficelé. Par contre, en termes de révélations c’est bien vide, et j’ai été extrêmement déçu. Hormis le fait qu’il y ait une fontaine avec de l’eau qui coule dans la jungle, il n’y a pas grand chose. Je prends l’exemple d’Evangelion, la série animée japonaise : il s’est passé exactement la même chose avec des derniers épisodes minimalistes centrés sur le personnage principal. Après, c’est le choix de l’auteur et je le respecte.

Aujourd’hui, nous sommes dans l’après-Lost. Personnellement je suis très déçu. On retrouve beaucoup d’échecs – V, Flashforward, Fringe – qui tentent de mélanger science-fiction et réalité. Pourquoi tant d’échecs à répétition ?

C’est tout à fait normal. Il s’est passé exactement la même chose après X-files, les chaînes ont tenté de pâles copies. Et tenez, très surprenant, elles se sont toutes ramassées. Évidemment, ce n’est pas parce qu’une formule marche qu’elle peut se décliner à l’infini. Une série de type Lost, très longue, feuilletonnante, avec de grands mystères centraux, c’est hyper casse-gueule. Je ne crois pas qu’il y ait la volonté de copier Lost mais les chaînes américaines veulent trouver rapidement un format de ce type et qui fonctionne. Après, pour rester terre à terre, la série est bonne ou pas. Flashforward n’était pas intéressante car elle était ratée, avec un scénario bâclé. Mais attention, il y a plein de séries dramatiques géniales à l’heure actuelle.

Venons-y, j’ai écrit dernièrement sur The Walking dead. Sa force est qu’elle fait totalement abstraction du passé pour se concentrer sur la survie des personnages. Et, contrairement aux séries que l’on vient d’évoquer, elle ne se perd pas dans un scénario loufoque. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez totalement raison, je n’ai rien à rajouter là-dessus. Walking dead étant adaptée d’une BD allant dans ce sens, et l’auteur participant à la production de la série, cela ne me surprend en rien. Depuis le début c’est la volonté de Robert Kirkman : des personnages dans une situation intenable de survie. Cela aurait pu être un tsunami, les zombies ne sont qu’une excuse. D’un point de vue personnel, je suis ravi que ça accroche car je soutiens le projet depuis le début. Et il va bien y avoir une deuxième saison.

Nous allons parler des comédies américaines. Niveau audience, elles cartonnent avec notamment Mon oncle Charlie. Mais j’aimerais avoir votre avis sur The Big Bang Theory, qui fonctionne bien mieux que son homologue How I met your Mother. Je trouve assez incroyable qu’une série aussi référencée, très geek, qui ne passerait jamais en France, réussisse tant. Et d’un point de vue général, que pensez-vous de ce retour en force de la comédie ?

Oui mais non. Les références geek ne sont pas le centre de la série. C’est là où se trouve la finesse. C’est une série avec des geeks mais qui ne leur est pas destinée à la base. Mais c’est exactement la même chose qu’un épisode d’Urgences. On ne comprend pas ce que les médecins se disent et on s’en fout. Par contre ce que l’on saisit, c’est la force et l’impact de leur connaissance. Pour The Big Bang Theory, c’est exactement la même chose. Et c’est ce qui fait que la série fonctionne aussi bien. Vous avez raison de le noter, il y a un retour de la comédie depuis deux, trois ans. Que ce soit la comédie noire (United States of Tara, Nurse Jackie) très douce-amère ou les comédies feel-good mais impertinentes (Modern Family, Glee), loin d’être stupides.

Comme Bored to death, Eastbound and down.

Tout à fait. Mais c’est exact, il y a un vrai retour de la comédie. Je serais à nouveau très terre-à-terre mais si vous cherchez à savoir pourquoi elle est de retour, la réponse est simple : les gens ont besoin de rire. D’ailleurs si vous êtes observateur, c’est un genre où l’on excelle en France, avec de très bonnes audiences comme un Fais pas ci fais pas ça vraiment remarquable sur France 2.

Je suis en plein dans la série The Wire en ce moment. Elle a été élue meilleure série de tous les temps par le Times et le Washington Post entre autres, que pensez-vous de ces titres honorifiques, et surtout pourquoi cette série n’a-t-elle jamais trouvé son public ? Car l’acclamation critique et la reconnaissance sont surtout survenues après son arrêt.

(Long soupir). Qu’est-ce que je peux vous dire ? Je n’aime pas The Wire. Je sais que c’est remarquable, que c’est excellemment bien écrit. Je sais que c’est la série référence et pour la plupart un chef d’œuvre ultime. Bon. Moi, je trouve ça d’un ennui affligeant et profond. En d’autres termes, je me fais royal chier devant The Wire. Le problème vient de son créateur David Simon, qui n’écrit pas pour une série en tant que telle. Quand je discute avec les fans, ils m’expliquent qu’il faut voir cinq épisodes à la suite pour être dedans. Mais le principe même d’une série est bien sa diffusion hebdomadaire. Donc vous avez une partie de votre réponse. The Wire n’a jamais marché aux USA. C’était une petite série sur HBO qui ne lui coûtait pas un rond. Point barre. Après, cela devient en effet un chef d’œuvre lorsque l’on voit The Wire comme un très grand long-métrage d’une douzaine d’heures. Sinon, ça n’a aucun intérêt. Par contre, je trouve très dommageable qu’en France, beaucoup de scénaristes se basent sur The Wire pour écrire. J’aime bien les rappeler à l’ordre et leur dire clairement : «fais ta série policière bien ficelée avant de vouloir sauter les étapes».

A l’heure actuelle, peut-on parler de suprématie des chaînes cryptées/câblées face aux chaînes publiques aux États-Unis ?

C’est tentant de le dire en effet. Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, les chaînes hertziennes se sont bien plantées la gueule ces dernières années, et notamment à cause de la grève des scénaristes. Leurs spectateurs sont partis, leurs schémas de fictions stéréotypés ne fonctionnent plus, et leurs audiences sont en chute libre chaque semaine. Ils ont donc décidé d’arrêter de se triturer la tête et vont désormais à l’essentiel : des séries populaires qui marchent. Ne généralisons pas non plus, il reste encore des créations particulièrement gonflées et qui fonctionnent très bien comme Modern Family ou Dr House. Mais l’innovation n’est plus le mot d’ordre des chaînes publiques. Et par ricochet, une chaîne du câble qui fonctionne non pas sur la publicité mais sur les abonnements, sa seule manière de survivre est de proposer des programmes novateurs et percutants. Mais vous avez raison, la différence n’a jamais été aussi flagrante. Il ne faut pas oublier également que c’est certes une loi économique, mais aussi une loi de grille. Une chaîne hertzienne a trois heures de prime time par jour, composées majoritairement de fictions. Une chaîne du câble a, elle, seulement trois heures par semaine. Alors il faut combler et il y a forcément du déchet.

Je n’ai plus beaucoup de temps. Alain me réprimande quand je lui parle de Caprica et de la nouvelle préquelle de Battlestar Galactica. «Vous avez toutes les infos sur le net, vous perdez votre temps» (sic). Au passage, on se met d’accord sur la toute-puissance de Battlestar, une bonne chose de faite.

J’aimerais finir en parlant des moyens de diffusion en France et de l’accès à la série. Il y a le téléchargement illégal et la grande machine EZTV, le streaming illégal et, face à ça, la VOD payante. Quel avenir voyez-vous pour ça ? Comment pourrait-on améliorer notre accès à la série, qui reste tout de même limité, et éviter le téléchargement illégal ?

Nous n’avons pas le choix. Je vois où vous voulez en venir. Écoutez, je vais vous donner un exemple concret : Hero Corp saison 2 sur Comédie. Tout le monde l’a téléchargé illégalement. Personne ne l’a regardé sur Comédie, qui s’est pris une baffe d’audience monumentale. Il n’y a pas de saison 3. C’est aussi simple que ça. Mais qu’est-ce que vous pensez ? Le téléchargement illégal veut dire la mort de la série.

Des petites séries. Je ne pense pas que les Desperate Housewives ou les Experts sont ou seront touchées par le peer to peer.

Oui, je le concède pour les grosses séries. Il faut bien se dire que plus la série est petite et pointue, plus elle est en danger, c’est une certitude. Mais le jour où les chaînes ne voudront plus acheter les séries car elles se diront que de toute manière tout le monde les a déjà vues via le net, il n’y aura plus de ventes à l’étranger. Et les boîtes de production se priveront de 20% de leur revenu [NDR : en moyenne, le profit de la vente à l’étranger d’une série américaine]. Leur réponse sera simple, ils stopperont les tournages. C’est un fait. Je reviens encore sur Hero Corp. Des milliers de fans en France qui avouent clairement l’avoir téléchargé avant sa diffusion sur Comédie = pas de saison trois. Vous voyez, ce n’est même pas une opinion à avoir, c’est un fait pur et dur. Après je suis d’accord, The Mentalist fera toujours ses neuf millions de téléspectateurs, je n’en doute pas. Mais ce sont les séries feuilletonantes très ciblées comme Caprica que l’on a cité tout à l’heure qui trinquent. Mais il ne faut pas pleurer quand elle s’arrête. Après, tout le monde fait ce qu’il veut, je ne suis pas grand juge. Mais il ne faut pas se plaindre de l’arrêt des séries que l’on télécharge illégalement, car l’on y contribue. C’est un fait économique. Savez-vous combien coûte une série à l’heure actuelle ? Trois millions de dollars par heure. Le jour où l’on trouvera un nouveau modèle économique pour remplir ces trois millions avec du bénéfice autre que la simple diffusion et la vente de DVD, le téléchargement aura moins d’impact. Mais aujourd’hui c’est un vrai fléau. Et dire le contraire serait une aberration.

Mais n’y a-t-il pas une frilosité des chaînes françaises pour les acheter ? Flight of the Conchords, Caprica. Où les voir ? Et celles qui sont achetées sont parfois déprogrammées en deuxième voire troisième partie de soirée comme Fringe ou Heroes à l’époque.

Flight of the Conchords, très bonne série nous sommes d’accord. A peine un million sur HBO, elle se retrouve sur Orange et MCM : série de grand public sur grandes chaînes. Série petite sur des chaînes à moindre accès. J’ai toujours été pour le mélange de genre : du Mimi Mathy par-ci, des Sopranos par-là, des Experts en prime time. Évidemment que nos séries que l’on aime, ces séries pointues et percutantes, on ne les trouvera jamais sur nos grandes chaînes. Mais déjà dans leur pays d’origine elles n’ont pas une meilleure exposition. Il faut s’abonner à Scy Fy pour voir Caprica ou à HBO pour Flight of the Conchords. En tout cas, le piratage n’est pas une solution, et le fait est que les petites séries ont encore moins de chances de survivre. C’est une réalité, en effet compliquée à gérer à l’heure actuelle. Et je n’ai pas de réponse à ça, à part trouver de nouveaux formats.

Le blog d’Alain Carrazé

(1)  Crée par Alain Carrazé himself, 8 Art City est une société de production de contenu éditorial et de conseils à la production des séries et fictions. http://www.8artcity.com.

12 commentaires

  1. Très intéressant.
    Je suis particulièrement satisfait de l’avis de Carrazé sur The Wire, série aux aspirations trop prétentieuses reniant le principe même du Tv show.

  2. ah bon et en quoi the wire renie le tv show, là c est du pur snobisme
    il arrive parfois que lorsque la critique encense quelque chose c’est avec raison
    et dans le cas de the wire ou the corner c’est le cas

    quid des series de canal qui franchement relèvent le niveau engrenages par ex ?

  3. 20 ans après une première vision hallucinée, je revois Twin Peaks. Le choc est encore plus important qu’à l’époque où, lycéen, je fumais mes premières clopes comme dans la série (en ce temps là, c’était permis et putain que c’était bon à l’écran !).

    Au delà du génie scénaristique (c’est tordu ET intelligible ET incompréhensible), de l’atmosphère « monde parallèle »(sous le vernis du quotidien propre comme il faut, c’est le paradis des perversions), des glissements brutaux entre burlesque et horreur (cette série est vraiment drôle et flippante dans un même élan), des acteurs bons et beaux (tous bons, et beaux pour certains), de la musique de Badalamenti très présente et utilisée comme un personnage (lors de l’épisode pilote c’est très gênant, puis la sique devient une came), l’érotisme sous-jacent et permanent …

    Au delà de tout cela qu’on ne retrouve pas dans la plupart des créations (TV et ciné), celle ci est la matrice de tout ce qui suivra :
    – Six Feet Under (pour moi la plus belle) et Sopranos (vie et mort, ambiance décalée, personnages en lutte permanente avec leur condition humaine, pulsions et choix déchirants)
    – X Files (surnaturel flippant)
    – Desperate Housewifes (caca sous le vernis) et tous les soaps suintants (impossible love)
    – Inspecteur Derrick (LE descendant direct de Dale Cooper et BOB réunis !)
    – Les Filles d’à côté (le sous texte porno soft)
    – … liste à compléter !!!

    Revoyez Twin Peaks mes soeurs et mes frères, et priez pour ne jamais croiser BOB au plus profond de la forêt …

  4. @serlach

    c’est un avis évidemment personnel, mais dans l’art en général, je n’aime pas les tentatives d’intellectualisation d’un support populaire, comme si il avait besoin de se justifier. Par exemple le rap engagé (à l’exception tout de même de ntm) français m’a toujours paru hypocrite et moins intéressant que les egotrip américains.
    Dans la même démarche je trouve que The Wire est de qualité d’un point de vue cinématographique, mais ne parvient pas à dégager l’immédiateté (ça existe comme mot?) ludique qui devrait être inhérente à une série.

  5. il n’y a aucune intellectualisation dans the wire et cette série, selon pas mal de témoignages, s’approche beaucoup de la réalité notamment parce que de nombreux acteurs viennent du quartier en question et que ses auteurs ont travaillés dans ce milieu des années durant des années. ( l’un comme flic l’autre comme journaliste). Ton commentaire sous entend que l’art populaire ne peut pas de manière intrinsèque produire une réflexion « intellectuelle » ce qui est assez effrayant

    Et puis qui a dit qu’une série se devait d’être ludique ?
    il y un tabous, un format ?
    Ce n’est pas parce que des « intellos » ( je déteste ce mot qui sonne comme une insulte à la culture et à la réflexion)
    en parle que the wire est une vision élitiste.

    Je ne vois pas ce que le rap français et les egos trips des ricains viennent foutre là mais allons y…
    l’ego trip à la base n’était que l’expression d’un besoin de sortir d’un milieu hostile, de s’affirmer. Dans un autre temps, un autre contexte, certains mods en plus du goût de la sappe se foutaient des nantis en portant des chemises à jabot, des costards et autres matières nobles.
    L’égo trip moderne et le bling bling des rappeurs d’aujourd’hui a complètement travesti l’idée de départ qui était beaucoup plus ironique dans son rapport à l’argent, il y avait une forme de dénonciation d’un statut social et une volonté d’engagement (au moins pour se sortir de la mouise avec ses potes) Cf public enemy, NWA et consorts…
    Quant au rap français je ne verrai pas pourquoi il serait plus hypocrite que le rap ricain moderne dont le business de la credibility est autant entaché par des blaireaux écervelés qui tiennent le haut des ventes. ( et oui on a des baltringues chez nous, ils sont même légions). En fait plus qu’une histoire d’hypocrisie c’est avant tout un problème d’accepter ou non l’importation d’un style musical et de l’appropriation (ou du travestissement c’est selon) par un autre milieu social que celui qui l’a initié.
    Il en va de même avec le rock, le reggae, la country, les mangas et la choucroute à Nashville.

  6. Ce n’est pas que l’art « populaire » est incapable de produire une réflexion intellectuelle, seulement il doit passer par certains biais pour le faire. Bien sûr le principe est choquant, mais la série télé est au départ créée pour un public populaire et doit être un minimum facile d’accès (plutôt que « ludique ») pour atteindre ce public. The Wire est un échec niveau audience, probablement parce que la série est d’une trop grande qualité.
    Et oui, il y a un format. Tout le concept du feuilleton repose depuis son apparition dans les journaux et à la radio sur ses restrictions : une durée limitée, une obligation de créer l’addiction par divers moyen (le cliffhanger par exemple) etc…
    The Wire s’est légèrement affranchi de ce format, c’est son problème. Carrazé le dit lui même : « Le problème vient de son créateur David Simon, qui n’écrit pas pour une série en tant que telle. Quand je discute avec les fans, ils m’expliquent qu’il faut voir cinq épisodes à la suite pour être dedans. Mais le principe même d’une série est bien sa diffusion hebdomadaire »

    Je ne veux pas m’étendre sur l’histoire d’egotrip qui était en effet assez hors de propos, l’exemple étant parlant uniquement pour moi apparemment.
    Rapidement, l’idée de départ du rap ricain était la revendication du droit à l’existence, une façon de dire « regardez nous on est la ». La seule chose qui a changé aujourd’hui, c’est que comme le rap est un gagne-pain plutôt lucratif, le discours est plus bling bling, mais finalement le principe est le même : se mettre en valeur, faire savoir qu’on existe. La dénonciation du statut social n’existait que parce que ces artistes aspiraient à se sortir de la mouise, comme tu dis. La ou je trouve que les ricains sont moins hypocrites que les français (il y a évidemment des exceptions), c’est qu’ils ne cherchent pas à faire du rap conscient, à essayer de donner des leçons et à répéter que la vie ne les a pas gâtés. Ils préfèrent expliquer qu’aujourd’hui c’est eux qui ont la plus grosse.

  7. Bon, je comprends Alain, ce qu’il dit de The Wire, j’ai pu le dire aussi de Treme, pire encore, qui vit sur les acquis et bénéficie à mon sens de l’excellente presse de The Wire. Oui, les gens ont besoin de (se) reconstruire après une catastrophe. Et alors ?

    Et pareil pour Homeland. Au moins, avec 24, on se marrait, la série étant involontairement drôle dans ses excès, ses rebondissements tarabiscotés, et y avait de l’action. En plus d’une réflexion constante sur la torture. Là, dans Homeland, y a rien, à part des scènes qui rappelent vaguement 24, et une paranoïa ambiante…

  8. Mais sinon, Alain C. est du côté des chaînes contre le téléchargement, à ce que je vois…
    Et son exemple ne va pas : autant on peut comprendre que il n’y a pas de raison de télécharger une série diffusée (et encore à savoir à quels horaires), autant, on peut alors se demander comment voir des séries qui ne sont PAS diffusées. Et en le seront jamais en France, ou à des horaires impossibles.

    Et quand on a rediffusé Hero Corp à la TV, les fans étaient les 1ers à vouloir regarder. Sauf que c’était redfusé en pleine nuit…

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