Avec sa belle brochette de gueules à l’affiche, son idée de départ plus que prometteuse et son titre anxiogène, "Ablations" avait tout pour être au moins une œuvre palpitante, au mieux un nouveau poumon tout beau tout neuf au sein d’un cinéma français à bout de souffle depuis bientôt un siècle. Malheureusement, après coup, il s’avérera n’être qu’un long métrage décevant qui rate tout ce qu’il entreprend et qui restera, sans doute, condamné à l’abysse (touri). Autopsie de ma déception.

Denis Ménochet (à ne pas confondre avec le dictateur), Philippe Nahon (l’archidiacre de Noé à la face d’enflure millénaire), Yolande Moreau (qu’on sait géniale depuis maintenant vingt ans), Virginie Ledoyen (à ne pas confondre avec Jeanne Calment), Florence Thomassin (qui a réussi le tour de force de tourner au cours de sa carrière à la fois pour Becker, Kounen et Marc Esposito …) et Serge Riaboukine (le Richard Kiel français) sont les morceaux de choix avec lesquels le jeune réalisateur Arnold de Parscau a eu l’occasion d’élaborer son plat.

Et, en soi, c’est un plat parfaitement réussi qu’il nous offre. Un plat non pas comme en cuisine mais comme en piscine, un plat de ceux qui vous broient les côtes à l’heure du grand plongeon. Pourtant, la présence – en plus de ce casting alléchant – de Benoit Délépine à l’écriture du scénario était porteuse d’espoir tant la grande tige Président pour de faux nous a habitué au travers de ses différents films à produire des bousins capables de nous estomaquer.

On se disait, fort naïvement, que cette histoire de VRP qui perd un rein suite à une fête trop arrosée dont il ne se souvient pas allait envoyer sévère. On se disait qu’avec Nahon baignant là-dedans, la violence crasse serait forcément au rendez-vous et qu’on allait passer de Groland à Gore Land. C’était se foutre le doigt dans l’œil sans s’être coupé les ongles.

Car pendant une heure et demi, on ne fait que fantasmer un film qui ne viendra finalement pas. Au lieu de cela on suit sans véritable empathie notre personnage principal (Ménochet, prénommé pour l’occasion Pastor ce qui en soi n’a que peu d’intérêt) à la recherche de son organe perdu et on s’ennuie méchamment. Il faut dire que le fait que ce dernier joue comme un cochon (ce qui tient de l’exploit vu son regard bovin) et que la mise en scène s’obstine à faire du Lynch de supermarché n’aide pas à l’identification. Du reste, cette influence lynchienne n’est pas là par hasard car Arnold de Parscau fut pour la toute première fois remarqué lors d’un concours de courts-métrages chapeauté par…Lynch himself. Tiens, c’est dur à dire ça : Lynch himself, Lynch himsef, Lynch himself…

Trêve de boutade et retour à la boue fade que constitue ce film. Donc, notre personnage principal comme il a perdu son rein et qu’il est pas content et qu’il veut le retrouver tout seul comme un grand et bien il dit rien à sa femme, logique non ? Alors sa femme (Ledoyen, que je ne peux m’empêcher de trouver sublime et ce même si elle joue comme un manche à balai atteint de leucémie), elle, comme son mari rentre tard le soir parce qu’il cherche son rein, et bien elle s’inquiète et elle pense qu’il a une maîtresse. Et à un moment, il a une maîtresse pour de vrai (Thomassin, qui semble avoir calqué son jeu sur celui de Charlotte Rampling en mode saison 8 de Dexter ce qui n’était pas, avouons-le, la meilleure des idées) et aussi, à un autre moment, il couche avec l’asiat’ de la pub Kenzo mais en fait on est même pas sûr qu’il ait couché avec puisqu’elle se réveille seulement avec des bleus sur le dos.

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Tout ça pour dire que les intrigues sont tellement faussement pleines de zones d’ombre qu’on finit par s’en désintéresser comme on se désintéresse, enfant, d’un « Où est Charlie ? » de niveau avancé dans lequel tous les putains de bonshommes étalés sur la page sont vêtus d’un tee-shirt rouge et blanc et sourient comme des cons !

Pardon pour ce partage d’un souvenir douloureux mais ça valait vraiment mieux que de vous raconter le pourquoi du comment du film et de vous dire qu’en fait, derrière ce trafic d’organes se cachent une paire de vieux (Moreau et Nahon, oui, mais en version ultra light / caca zéro) ainsi qu’un quatuor d’enfants brésiliens dont l’un d’entre eux se prénomme Ayrton. Je vous jure, c’est plus sain de ne pas vous raconter tout ça.

Après, même si la greffe ne prend pas, tout n’est pas forcément à jeter dans ce film notamment grâce à son second tiers proprement hilarant où l’absurde s’invite à la fête et où l’on perçoit la patte gigantesque de Délépine quand il est inspiré. Si Ablations s’était déroulé jusqu’à son dénouement dans cet univers grotesque (pas étonnant quand on est l’ami de Capitaine Kervern) plutôt que de tenter de faire du Dominik Moll encore plus mou que l’original, peut-être qu’on aurait eu à faire à un film honnête, certes loin du délire hardcore espéré mais honnête quand même. Et bien non, même ça nous est enlevé donc, puisqu’on a droit à un final comportant autant de tension que la bite de Petrucciani un jour de grêle.

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C’est peu dire qu’au moment du générique, hébété, on a du regret pour les huit euros lâchés dans un tel (trans)plantage et qu’on a l’impression que la place nous a, pour le coup, vraiment coûté un rein. Attention toutefois à ne pas enterrer Délépine trop vite puisque son prochain long, Near Death Experience, s’annonce comme étant autrement plus couillu, à mi-chemin entre Gerry et Tree of Life avec Michel Fucking Houellebecq dans le rôle titre. Il serait bête également de condamner totalement Arnold de Parscau qui, âgé d’à peine 25 ans, a le temps de s’aguerrir et de gagner en épaisseur, soit de mettre plus de tripes et de cœur à l’ouvrage.

Maintenant, comme son premier film est malgré tout à déconseiller et pas seulement au moins de douze ans et comme il serait dommage que l’unique but de cet article soit de vous mettre en garde contre lui-même si je m’y suis quand même appliqué assez durement, je ne peux que vous conseiller si jamais vous avez décidément envie de voir quelque chose qui parle d’un rein volé par des salauds de trafiquants d’organes de voir Sympathy for Mister Vengeance du génie coréen Park Chan-wook. Parce que là pour le coup c’est virtuose, magnifique et violent. Rein de plus à ajouter. 593165

5 commentaires

  1. Bonjour Marie,

    Petite erreur de ma part en effet, la phrase devait être : « Benoit Délépine (…) le reporter préféré de la grande tige président pour de faux. »

    Il faut croire que le thème de l’ablation a également frappé mon esprit au moment de l’écriture :!

    /

    Merci C. !

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