Les stéréotypes, ma conception de la féminité ou pourquoi France Inter se doit de renouveler la diffusion de "À votre écoute, coûte que coûte" la saison prochaine.

Si je devais choisir trois figures publiques pour esquisser ma conception de la féminité, je ne citerais ni Simone (de Beauvoir) ni Olympe (de Gouges). Non, je prendrais Tori Amos pour la sensualité qu’elle a apporté à ma traversée de l’âge ingrat, Britney Spears pour la fascination morbide que ses errements continuent d’exercer sur moi, et Liz Lemon, l’héroïne de la série 30 Rock, pour sa normalité et l’écho parfois peu flatteur qu’elle renvoie à ma propre féminité. Une séductrice talentueuse et névrosée, une bimbo condamnée à rater sa vie et une working girl qui trouve que le sexe est une activité surévaluée : il semblerait qu’entre se construire sur la base de valeurs ou sur la base de clichés, mon surmoi ait fait son choix.

De même que j’ai un penchant naturel pour prendre le parti de l’inné dans le débat inné/acquis, j’ai toujours beaucoup aimé les stéréotypes et craint les remises en question de l’ordre établi… sans doute du fait de mes origines familiales RPR. D’ailleurs, l’enfance est pleine de clichés et de raccourcis simplistes, que ce soit dans la plupart des explications reçues des adultes, les personnages de dessins animés, les jouets destinés aux filles, ceux destinés aux garçons, etc.
Alors oui, il est plus facile de se forger une opinion et de l’énoncer sur la base de données simplistes en s’épargnant le temps de l’analyse. Le cliché est alors un barrage protégeant de la complexité qui submerge nos quotidiens. Le problème est que, comme l’évoque la journaliste anglaise Natasha Walter dans son essai sur le renouveau de la femme-objet, Living Dolls, ne pas questionner ces lieux communs revient à en assurer la persistance.

Pour démontrer son propos, elle cite l’exemple d’une étude publiée en 1999 par trois psychologues américains dont le but était d’étudier les raisons pour lesquelles les femmes réussissent moins bien que les hommes dans le champ des mathématiques.

Le concept de cette étude est de soumettre un groupe mixte à une série de tests, auxquels il avait été précédemment constaté que les femmes obtenaient de moins bons résultats que les hommes. Le groupe est divisé en deux : avant que le test ne débute, on annonce au premier groupe que, lors des précédentes éditions, les hommes ont mieux réussi que les femmes ; au contraire, on indique au second qu’il n’y a eu aucune différence notable dans les quotas de réussite. Le bilan est que le premier groupe a confirmé les résultats précédemment obtenus, tandis que dans le second groupe, le taux de réussite a été équivalent entre hommes et femmes.

Prolongeant l’expérience, les trois psychologues ont découvert qu’il n’était pas utile d’« activer » le stéréotype pour que l’individu y réponde positivement et qu’ainsi, s’ils ne précisaient pas au groupe en présence que les femmes avaient auparavant fait moins bien, elles faisaient de toute façon moins bien ; le stéréotype selon lequel les femmes sont moins bonnes en maths que les hommes étant acquis « par défaut ».

Parce que les médias brassent en permanence mille-et-un stéréotypes que certains considèreront comme anodins, l’arrivée sur les ondes d’une émission comme À votre écoute, coûte que coûte doit être saluée comme remplissant une mission de service public : sortir l’auditeur de la torpeur intellectuelle dans laquelle son statut de cadre moyen l’a plongé. Le fait qu’une portion non négligeable de l’audience de France Inter ne soit pas en mesure d’en saisir l’ironie et la portée, est bien le signe de sa nécessité.

À mon niveau, j’ai bien conscience que l’ordre dans lequel je me suis construite a longtemps justifié que, puisque tout avait une place, tout avait un sens. N’ayant pas totalement fait le deuil de cette idée, il m’arrive encore à l’occasion d’endosser une posture réactionnaire, le plus souvent feinte, parfois réellement causée par ma paresse intellectuelle. Il n’en demeure pas moins que grandir revient à se confronter à l’idée déstabilisante de nuance, et ça, c’est d’autant plus difficile qu’être une femme libérée, tu sais, c’est pas si facile…

http://www.franceinter.fr/emission-a-votre-ecoute-coute-que-coute

3 commentaires

  1. Excellente émission. L’article est intéressant également. J’ai été très étonné d’entendre quelques amis (bon ok seulement deux) se dire outrés par ce qu’ils avaient entendu! L’ironie m’a parut grosse comme un boeing dans un car wash, mais ce n’était visiblement pas le cas pour tous. Moi aussi je demande le retour de cette émission complètement homophobe, misogyne, FAF, et donc complètement mortelle et indispensable!

  2. Inscrivez vous au groupe des FANS de l’émission dont le président symbolique est Frédéric Labendski, je pense qu’il est sympa de se regrouper…Bises à tous les membres et nouveaux membres du club..c’est sur que ce genre d’humour « extragénial » est fédérateur.
    Dr. Rémi de Gwada (Guadeloupe)

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