L’artiste gallois, plus habitué aux sorties expérimentales et conceptuelles, livre un album qu’il considère comme plus « simple », même s’il implique un orchestre de 72 musiciens. Résumé d’une heure de discussion avec le leader des Super Furry Animals.

Les apparences sont souvent trompeuses. À l’écoute de « Babelsberg », son cinquième album solo, la balade est plaisante. Les titres s’enchaînent sans qu’on n’y prête trop attention et la voix magnifique de Gruff s’impose délicatement au sein de ses nouvelles compositions, comme si elle était faite pour elles. Bizarre ? Pas tant que ça.

Chemise boutonnée jusqu’au col et cheveux grisonnants pour celui qui approche de la cinquantaine, Gruff parle très calmement. Il pèse ses mots. Ferme souvent les yeux pour réfléchir et formuler ses réponses. Poliment, il avance : « Ce qui m’a pris le plus de temps, c’est l’écriture et réussir à trouver ma voix. J’ai mis 30 ans avant d’arriver à vraiment chanter et là, j’ai vraiment voulu que ma voix accompagne la musique. » Pour arriver à son but, il passe un temps fou en studio, change souvent les accordages et peaufine ses textes. Sur Négative Vibes, chanson phare de l’album, il essaie sans cesse d’adapter sa manière de chanter pour trouver le bon ton. Son accent gallois rocailleux et guttural est un héritage culturel. Et pour la première fois, il l’expose librement. Et il révèle toutes les subtilités de ses intonations.

Punk, sceau et train

Pour celui qui a mis 10 ans à parler à son public, car trop timide, la musique est entrée dans sa vie à l’âge de quatre ans, quand ses parents l’emmènent à un festival folk où les chanteurs « ont les cheveux longs », se remémore Gruff. Anecdote : « À partir de là, j’ai commencé à jouer de la musique, de manière très primitive. Je jouais de la batterie avec des sceaux. Je les collectionnais et je tapais dessus pour écouter les sons qu’ils faisaient. J’en avais déjà huit à six ans, mais le batteur du groupe punk de mon frère m’a volé mon meilleur sceau et l’a utilisé comme grosse caisse. » Première chanson à six ans, à propos d’un conducteur de train qui vieillit, et déjà, ses deux passions – le voyage et la musique- se manifestent. Elles ne le quitteront plus. Deux exemples probants : son film documentaire où il part à la recherche de ses ancêtres en Patagonie (« Separado! ») et l’album concept « American Interior », qui narre l’histoire de John Evans, un explorateur gallois du 18ème siècle parti à la recherche d’une tribu galloise en Amérique. Son imagination et sa créativité ne l’abandonnent jamais et ce, depuis le plus jeune âge.

« Je me suis mis à chanter mes propres chansons parce que je ne trouvais personne d’autre pour le faire. »

Mais pour « Babelsberg », aucune quête, aucun voyage n’a inspiré l’artiste. « C’est facile d’écrire sur un thème précis, ça l’est moins quand il s’agit d’écrire sur toi ou ta vie de tous les jours. Tu révèles une partie de ta personnalité donc c’est plus compliqué », confesse le père de famille. Sur ce disque, il fait tomber le masque et se montre comme il est : honnête, humble, sans prétention. À 48 ans, le Gallois n’a pas voulu se camoufler derrière un énième album conceptuel ou sous des couches de guitares et de sons expérimentaux. Humblement, il avoue avoir eu envie « de faire des chansons super faciles qui sont juste bien écrites à propos d’être un chanteur, de ma vie et de vieillir. » Ça peut paraître chiant, dit comme ça. Mais si « Babelsberg » étonne, c’est parce qu’au total, plus de 70 musiciens jouent dessus, en la compagnie de l’orchestre national gallois de la BBC.

©Kirsten McTernan

« Quand je les ai rencontrés, j’ai eu cette impression, comme si je m’étais trompé de salle, comme si je n’appartenais pas ici », admet le leader des Super Furry Animals. La situation est tellement « absurde » qu’il n’y croit pas vraiment. « On va faire un concert tous ensemble en juin au Pays de Galles et j’ai peur. Eux, ce sont des musiciens extraordinaires et ils savent très bien ce qu’ils font. Mais moi… Il prend un moment. Moi, j’aurai mon micro et j’essaierai de faire mon truc sans oublier les paroles. » Sa fragilité, même après 30 ans de carrière, est toujours palpable. Presque touchante à vrai dire. Derrière son allure sévère se cache des manières presque enfantines de répondre aux questions et de réagir à ses propres déclarations, comme quand un enfant dit une grosse bêtise et qu’il met la main devant sa bouche, sourire aux lèvres.

Pour un album qui devait être sombre, la luminosité finit quand même par percer. Son secret pour toujours réussir ses projets (pièces de théâtre, films, documentaires, albums, etc.) ? « Je ne me mets pas trop la pression, je ne fais pas de musique tous les jours et je laisse les idées venir à moi. Pour la musique, je n’ai pas de studio chez moi par exemple, je n’enregistre pas et je me focalise juste sur mes chansons. Et puis je ne tourne pas beaucoup non plus », dévoile le chanteur. Les tournées, notamment celle de 2015 avec Super Furry Animals, le mine autant qu’il les adore. Elles représentent trop de souvenirs, l’idée de revivre le passé et ne pas être dans le moment présent. Ces aspects-là ne lui correspondent plus. Il ne regrette rien, au contraire. Mais lui a les yeux rivés sur la suite de l’aventure. Il y a 30 ans, « je me suis mis à chanter mes propres chansons parce que je ne trouvais personne d’autre pour le faire. » Aujourd’hui, on se dit que c’est vraiment pas plus mal ainsi.

 « Babelsberg » de Gruff Rhys sortira le 8 juin chez Rough Trade.
http://www.gruffrhys.com/

3 commentaires

  1. born bad paris serait’il un new concept store ????? the guys buy from facebook!!! oh, tu peut m’en garder 1 2 3 etc, c banal bancal , consume & dead

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages